[Infoligue] Urbain-rural : Quelle politique pour le "tiers espace" ?

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mar 26 Jan 09:37:28 CET 2010


Urbain-rural : Quelle politique pour le "tiers espace" ?

Publié par : http://www.localtis.info/
Le : 25 janvier 2010

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L'inversion démographique des campagnes fait émerger de nouveaux
territoires aux frontières de l'urbain et du rural, territoires sans
pilotes et qui, trop souvent, naviguent à vue, constate une vaste
enquête. Une question pour le moment ignorée par la réforme des
collectivités.

 

 

Il y avait les Français des champs et les Français des villes. Il y a
maintenant une espèce hybride, moitié rurale, moitié urbaine : les
"néoruraux". L'essor démographique que connaît la campagne depuis une
quinzaine d'années a fini par créer un entre-deux-mondes, des
territoires frontières qualifiés parfois de "tiers espace", avec leurs
problèmes propres : étalement urbain, grignotage des terres agricoles,
besoins de services, d’infrastructures… L'artificialisation des sols a
ainsi progressé de 3% en six ans. L'équivalent d'un département de
terres arables a disparu… Illustration de ce mouvement avec le pays Cœur
d'Hérault situé à une quarantaine de kilomètres de Montpellier : pour la
seule communauté de communes du Clermontais, la population est passée de
17.000 habitants à 22.000 entre 1999 et 2006 ! Or le tiers des actifs de
ces territoires travaillent dans l'agglomération de Montpellier. Comment
dès lors préserver la qualité du cadre de vie, l'agriculture,
essentiellement viticole, tout en contribuant au développement du
territoire ? Des questions auxquelles les élus sont mal préparés, comme
le montre une vaste enquête intitulée "Urbain-rural : nouvelle
gouvernance, nouveaux territoires" menée dans dix-huit territoires*
représentatifs par l'ADCF, l'APFP, la fédération des PNR, ETD, la Datar
et Mairie-Conseils. "Il y a un certain retard dans la prise en compte de
ces phénomènes par les territoires : ils n'anticipent pas suffisamment
mais réagissent seulement quand les problèmes se manifestent", a
constaté Vincent Chassagne, expert associé chez Mairie-conseils,
coordinateur de l'enquête, lors d'une rencontre organisée à Paris, mardi
19 janvier.

 

Manque de dialogue

Les auteurs constatent avant tout un manque de dialogue urbain-rural,
dialogue rendu d'autant plus difficile que les intérêts divergent.
L'enquête relève en particulier la persistance de "non-dits financiers"
autour des "charges de centralité". Les villes se plaignent ainsi de
financer des services qui profitent aux autres. Les villages, eux,
prétendent qu'ils ne bénéficient pas des mêmes services et qu'ils
doivent en plus supporter une charge de gestion de l'espace… De fait,
tout se passe comme si ces "nouveaux territoires" vivaient dans un no
man's land politique, faute de gouvernance locale adaptée. Qu'il
s'agisse de l'Europe, de l'Etat, des régions, des départements, les
politiques contractuelles actuelles s'adressent tantôt à l'urbain,
tantôt au rural, rarement aux deux. Pourtant, en matière d'emploi par
exemple, tout le monde se réfère aujourd'hui aux "bassins économiques"
dans lequel la campagne et la ville peuvent compenser leurs faiblesses :
besoin de compétences d'une part, manque d'espace de l'autre… L'enquête
plaide pour une nouvelle politique contractuelle. Il s'agirait de mettre
fin à la pratique de contrats séparés entre agglomération et pays pour
mettre en place une "stratégie multi-échelle". "Pour traiter de la
question des algues vertes en baie de Saint-Brieuc, il faut à la fois
prévoir des actions à l'échelle du pays et du Scot, des actions à
l'échelle du syndicat d'eau, puis au niveau des communes aidées de leurs
groupements (actions sur l'urbanisme, l'assainissement, les pratiques
agricoles, la gestion des zones humides)", illustre l'enquête. Les
auteurs encouragent les "mutualisations" dans l'organisation des
équipements, des services, de l'ingénierie, le but étant de parvenir à
des "pactes financiers et fiscaux". 
La question est également à repenser au niveau européen. Le Réseau rural
français a récemment lancé un appel à projets sur le rural-urbain pour
trouver de nouvelles solutions. Mais la question va se poser avec la
réflexion qui démarre sur l'avenir de la politique de cohésion et de la
PAC après 2013.

 

L'avenir des pays en question

Pas facile pourtant, de parvenir à un consensus avec des pays aussi
variés que les Pays-Bas pour qui le rural est une abstraction et la
Roumanie qui compte quelque 6 millions d'agriculteurs, comme l'a fait
remarquer le député européen Stéphane Le Foll. Selon lui, il faut
dépasser la notion d'aménagement du territoire pour s'intéresser à la
"socialisation des territoires". "Un territoire est perdu lorsqu'il
n'est plus socialisé... C'est en décloisonnant et reconnectant les
hommes qu'on crée une dynamique territoriale", a-t-il insisté, mettant
en parallèle les cités de banlieue et les nouveaux ghettos que sont les
lotissements urbains. L'eurodéputé a proposé, comme le demandent les
régions françaises, de récupérer la partie rurale du deuxième pilier de
la PAC relatif au développement rural, pour l'intégrer dans le pot
commun de la politique régionale européenne.
Si la gouvernance en est à ses balbutiements, certains territoires ont
commencé à s'organiser, à l'image du Pays basque où conseil de
développement et conseil des élus composent une sorte de structure
politique bicéphale. Ici, un mot est même utilisé pour désigner une
nouvelle forme de solidarité entre la côte et l'intérieur : Lurraldea.
Ce "territoire de projet" vient de se concrétiser dans l'élaboration de
la stratégie "Pays basque 2020" à laquelle un millier d'acteurs locaux
ont participé. 
Mis sur le billot de la réforme des collectivités, les pays trouvent
dans ce contexte de nombreux défenseurs. Le projet de loi actuellement
débattu au Sénat supprime la possibilité d'en créer de nouveaux (article
25) au prétexte que l'achèvement de la carte intercommunale leur
enlèverait toute utilité. Plusieurs amendements, de l'opposition comme
de la majorité, ont été déposés pour sécuriser ceux qui existent déjà,
alors que les pays sont aujourd'hui engagés dans de nombreuses
politiques territoriales (contrats de pays, approche Leader, etc.). A
l'instar des pôles métropolitains encouragés par le texte, les pays
pourraient remplir ce rôle de coordinateur des intercommunalités
rurales, estiment leurs défenseurs. "Il faut absolument réussir à
préserver les acquis, quelque soit le futur paysage institutionnel, la
Datar en est persuadée", a assuré Caroline Larmagnac, chargée de mission
Territoires à la Datar.
 

Michel Tendil

 

* Pays et agglomérations : Alençon, Boulonnais, Coeur d'Hérault, Grand
Besançon, PNR de Brière, Grand Pau, Le Mans, Lunévillois, Morlais,
Nevers Sud Nivernais, Pays basque, Rémois, Rennes, Roannais,
Saint-Brieuc, Val de Garonne-Gascogne, Vitré-Porte de Bretagne,
Voironnais.



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Denis Lebioda
Ligue de l'enseignement - Chargé de mission Alpes du Sud
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