[Infoligue] « Libérer les générosités associatives oui mais au service de qui ? »
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 5 Nov 09:50:43 CET 2012
Note de lecture : « Libérer les générosités associatives oui mais au
service de qui ? »
Publié par : http://associations.laligue.org
Le : 23 Octobre 2012
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Note de lecture Livre Blanc Parlementaire « libérer les générosités
associatives »
Ce livre blanc réalisé en juin 2012 par Madame Marland- Mitello,
présidente du groupe d’études parlementaire sur la vie associative et le
bénévolat se propose de livrer « au travers de propositions concrètes,
le fruit de l’expérience des réflexions de son auteure pour libérer les
générosités associatives socle et caractéristiques première du fait
associatif ».
Le terme de générosité y est défini sous deux formes : « la générosité
financière » et « la générosité temporelle via l’engagement bénévole ».
La députée explore l’ensemble des dispositifs existants au service de la
vie associative et pose ainsi au fil des pages et des constats 72
préconisations.
Concernant la générosité financière y sont abordés des thèmes comme la
fiscalisation, les libéralités des particuliers, le mécénat des
entreprises ou la transparence financière des associations et des
collectivités.
Pour la générosité temporelle, l’exercice du bénévolat, la formation des
bénévoles ou la valorisation du bénévolat y sont étudiés.
Que penser globalement de ce livre blanc ?
Tout d’abord qu’il a le mérite d’exister et de permettre ainsi un
échange de point de vue autour des thématiques abordées comme des
préconisations elles–mêmes.
Saluons ici le travail effectué par la députée qui balaye ainsi, sur la
base de son expérience et de son regard, un ensemble de champs de
réflexions de la vie associative. La préconisation de reconnaissance de
l’apport du bénévolat dans les plus hautes instances de l’Etat sur tous
les thèmes inhérents à la vie associative semble en effet utile à la
perpétuation de l’action bénévole. Elle pourrait faire ainsi de la
consultation du Haut Conseil à la vie associative un des éléments
fondateurs de celle-ci. Ces préconisations si elles étaient adoptées
auraient l’intérêt d’inscrire une cohérence dans l’action des ministères
qui touchent de près ou de loin à la vie associative tels que le
ministère de l’emploi, celui de l’économie sociale et solidaire ou de
l’éducation.
Plusieurs points néanmoins ressortent de ce livre blanc qui si nous
pouvons en partager nombre de constats peuvent prêter à débat sur
l’analyse et les préconisations.
Concernant la générosité financière les préconisations s’articulent
entre une amélioration des avantages fiscaux et une accentuation des
obligations des associations : l’accès aux fonds privés serait favorisé
pour les associations reconnues d’intérêt général mais le versement des
fonds publics surveillé de très près. La demande de l’instauration d’une
définition législative de la subvention semble par exemple à argumenter
puisque que la circulaire du 18 janvier 2010 en redéfinit très
clairement le cadre et que son application reste néanmoins de l’ordre du
choix politique de la collectivité, sous réserve d’en respecter les
obligations juridiques et règlementaires. Si la conclusion du livre
blanc affirme qu’ « une ligne jaune ne doit cependant pas être franchie
: celle qui ferait ressembler l’association à une entreprise et le
bénévole à un salarié », il affirme aussi la nécessité d’hybridation des
ressources de l’association tant dans la mutualisation entre les
associations qu’avec les entreprises à but lucratif. C’est là l’un des
points de paradoxe de ce livre blanc. Le rapprochement des associations
avec les entreprises traditionnelles souvent présentées comme des «
modèles » conduit à un lissage de la vie associative dans son ensemble
des pratiques à l’action propre de l’association. Le bénévolat de
compétences dans des domaines tels que les ressources humaines en est
l’exemple le plus frappant.
De plus, Il semble illusoire dans le contexte de crise économique
globale actuelle de croire que la baisse des moyens de l’Etat certes
réelle puisse être compensée par des fonds privés, non démultipliables à
l’infini et qui si l’on s’appuie sur les chiffres du mécénat, ont déjà
tendance à régresser. Les fonds européens semble une piste plus solide,
sous réserve que les associations soient en mesure d’y accéder. La
complexité tant du montage de la demande de financement que du plan
financier (et de la grande capacité en trésorerie inhérente à des
versements souvent très en aval de l’action) aurait pu être un point de
préconisation important à faire apparaitre.
La formation des bénévoles évoquée dans la dernière partie du livre
blanc est là aussi une piste pour la sérénité associative.
L’articulation entre vie professionnelle et engagement associatif peut
être intéressante avec des préconisations telles que le droit à un congé
non- rémunéré pour suivre une formation de bénévole ou la pérennisation
du système de transfert de RTT .Ceci sous réserve qu’être bénévole ne
devienne pas une contrainte nécessitant des compétences complexes,
d’aucuns parlent même « d’école du bénévolat » notion avec laquelle les
mouvements d’éducation populaire ne pourraient être en accord ! La
simplification des démarches administratives est avant tout une piste
prioritaire à privilégier.
Concernant l’harmonisation des dispositifs d’appui à la vie associative,
certes nous pouvons partager l’avis du peu de lisibilité aujourd’hui par
les associations bien que la complémentarité entre CRIB et DLA pourrait
être assez aisé à rendre lisible pour peu que les ministères concernés
s’entendent sur une définition commune.
Le livre blanc préconise la mise en œuvre de guichet unique, le rôle du
DLA dans une dimension transversale pour la gouvernance notamment et
l’incitation aux démarches en ligne par une simplification des démarches.
Il y a ici un second paradoxe dans une lecture des dispositifs d’appui
aux associations centrés sur le rôle de l’Etat ou d’intermédiaires à
visée technocratiques. Que cherche un bénévole lorsqu’il rentre dans une
association ? De l’engagement et donc du contact humain. C’est ce que
nous confirme à la fois les rapports et études parus sur la vie
associative ces derniers mois tels que celui de la CPCA. Internet ne
peut se substituer à la relation humaine et les agents de services
préfectoraux le savent bien, eux qui soulignent actuellement la perte de
ce qui faisait la richesse du service public : le lien à l’usager, lui
répondre, l’orienter, l’aider… Seul ceux et celles qui ont les codes
culturels et sociaux en vigueur seront-ils demain en mesure de créer une
association déclarée ? Si nombre de nos concitoyens ont accès à internet
leur utilisation se limite pour beaucoup à l’utilisation de réseaux
sociaux type facebook ce qui ne garantit absolument pas la capacité à se
diriger sur le web, rédiger des statuts et s’approprier un outil en
ligne. L’esprit de la loi 1901 voulait faire en sorte que la création
d’association soit simple et accessible à toutes et tous, les
contraintes budgétaires et la dématérialisation des procédures nous en
éloignent chaque jour.
L’autre biais de ce livre blanc est, et nous pourrions même évoquer un
point aveugle, le rôle des réseaux fédératifs dans « la générosité
temporelle ».
Vivianne Tchernonog l’a démontré : les associations fédérées vivent plus
longtemps que les autres et dans de meilleures conditions.
Ces réseaux multiples, variés participent de la vitalité associative et
de l’appui de proximité. Il ne s’agit pas de nier qu’un minimum
d’organisation concertée entre les services de l’Etat et les porteurs de
dispositifs sur les territoires soit nécessaire que ceux-ci s’appellent
CRIB, CRVA ,PLAYA, DLA ou simplement « tête de réseaux ». Cependant ne
gommons pas ce qui fait la richesse de la vie associative : sa diversité
et son ancrage local. Qui mieux qu’une fédération est en mesure
d’accompagner ses associations affiliées sur leur pratique de
gouvernance au regard des valeurs partagées, préalables à leur
affiliation ? Qui mieux qu’un mouvement associatif est en mesure
d’accompagner les associations dans leur consolidation économique,
social et politique et donc ? Qui mieux qu’une fédération est en mesure
d’assurer une veille permanente sur les évolutions de ce secteur et
d’alerter les pouvoirs publics sur les freins et leviers le cas échéant ?
Car le projet associatif est avant tout politique au sens noble du
terme, affinitaire pour des acteurs rassemblés autour de valeurs
communes .C’est bien aux acteurs associatifs de s’en saisir pour le
faire vivre dans la déclinaison d’un partenariat avec l’Etat et les
collectivités territoriales basé sur l’intérêt général. Cela signifie
une meilleure association et concertation des acteurs locaux aux prises
de décisions qui ont une incidence sur leur activité . Pour paraphraser
un extrait de rapport d’Etat déjà ancien« La recherche de l'équité dans
la diversité est plus efficace, au regard du principe d'égalité, qu'un
traitement uniforme et donc le plus souvent inadéquat des situations sur
l'ensemble du territoire. »
Les moyens qui en découlent ne sont pas une fin en soi mais bien au
service de l’objet de l’association. C’est la condition sine qua non de
l’accompagnement des associations aujourd’hui face au risque
d’uniformalisation qui les guettent tout comme la société en général. Or
nous le savons, il y a nécessité de préserver l’esprit d’innovation et
créativité sociale moteur de l’engagement bénévole et de la vitalité des
territoires. Pour ce faire réunir toutes les composantes liées à ces
générosités associatives et les mettre en cohérence est un préalable.
Nous pourrions tout à fait imaginer que l’Etat soit ainsi le garant de
l’équité de l’appui sur les territoires mais que ce soit aux
associations elles-mêmes, via la CPCA par exemple de s’organiser pour la
satisfaire. Faisons confiance aux bénévoles pour s’adresser ensuite en
fonction de leurs priorités – et de leurs valeurs - à l’acteur local qui
leur correspondra.
Consulter le Livre blanc parlementaire "Libérer les générosités
associatives"
>>>
http://www.associations.gouv.fr/IMG/pdf/livre-blanc-parlementaire-juin-2012.pdf
Consulter les propositions de la CPCA et de France Active sur le
financement des associations
>>> http://cpca.asso.fr/wp-content/uploads/2012/01/Propositions-CPCA-FA.pdf
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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