[Infoligue] Financement des associations : la part de la commande publique a bien dépassé celle des subventions
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mar 2 Juil 14:48:44 CEST 2013
Financement des associations : la part de la commande publique a bien
dépassé celle des subventions
Publié par : http://www.localtis.info
Le : vendredi 28 juin 2013
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En l'absence d'étude globale sur la question, un sentiment grandissait
dans le monde associatif : la part de la commande publique aurait pris
le pas sur celle des subventions. Jeudi 27 juin, un colloque a permis de
confirmer par les chiffres ce "sentiment". Au grand soulagement de la
ministre de la Vie associative, Valérie Fourneyron, qui, depuis un an,
construit sa politique sur cette hypothèse.
"Cela fait du bien de voir enfin l'ensemble de nos réflexions
quotidiennes objectivées par la qualité de ce travail. Ces chiffres
représentent la réalité que nous imaginions, qui est là, beaucoup plus
claire, plus précise." Par ces mots, Valérie Fourneyron réagissait à
l'exposé de Viviane Tchernonog, économiste chargée de recherche au CNRS
- Centre d'économie de la Sorbonne, portant sur un état des lieux
chiffré inédit des partenariats entre pouvoirs publics et associations
présenté jeudi 27 juin lors d'un colloque organisé à Paris par le
ministère de la Vie associative. Un exposé d'autant plus important pour
la ministre que son action s'appuie depuis un an sur un "sentiment". Le
sentiment pour les associations "d'être progressivement passées d'un
statut de partenaires à un statut de prestataires ou d'auxiliaires des
collectivités publiques". Et de ce sentiment naîtrait l'inquiétude, chez
les associations, de voir remis en cause leur capacité d'initiative et
leur rôle dans la coconstruction des politiques publiques. Et c'est à
partir de ce sentiment d'abandon de la logique de subventionnement au
profit de délégations de service public et de marchés publics que
Valérie Fourneyron et ses services ont contribué à l'élaboration du
projet de loi sur l'économie sociale et solidaire (ESS), préparé la
révision de la circulaire Fillon ou imaginé une charte entre Etat,
collectivités et associations (lire ci-contre notre article du 24 juin).
La part du financement public baisse, celle des communes plonge
Viviane Tchernonog a donc cherché à savoir quelle était la part
respective des subventions et des commandes publiques dans les budgets
associatifs, comment avaient évolué subventions et commandes ces
dernières années et si l'on pouvait parler d'une généralisation de la
commande publique.
D'emblée, la chercheuse note "un repositionnement des acteurs publics
dans le financement des associations", et précise que "les dernières
années ont enregistré des modifications majeures dans l'origine des
financements publics des associations avec une baisse du poids de
l'Etat, une montée en charge importante des conseils généraux et,
phénomène plus récent, une baisse du poids des communes dans le
financement des associations. Le repositionnement des acteurs publics
s'est en outre effectué dans un contexte de privatisation du financement
du secteur." Les financements publics sont ainsi passés de 51% à 49%
dans les budgets des associations entre 2005 et 2011. Pour la première
fois depuis que des études sont menées, la part des communes diminue,
passant de 14,1% en 2005 à 11,5% en 2011 ; celle des départements
augmente, s'établissant à 12,3% en 2011, contre 10% en 2005, mais,
ajoute Viviane Tchernonog, "la montée en charge des conseils généraux en
matière de financement des associations connaît depuis 2010 une grande
diversité". La part de l'Etat passe de 12,3% à 11,3% sur la même
période, tandis que celle des régions stagne à 3,5%.
Risques de requalification et formatage des actions associatives
Quant à la nature de ces ressources publiques, données-clés que les
participants au colloque attendaient, elle conforte le "sentiment"
exprimé par les associations : les subventions publiques ont diminué en
six ans de 17%, soit une baisse annuelle moyenne de 3%, tandis que les
commandes publiques ont augmenté à un rythme très rapide : 73% sur la
période, soit 10% en moyenne annuelle. La part de la commande publique
est ainsi passée, entre 2005 et 2011, de 17% à 25% dans l'ensemble des
ressources des associations, dépassant celle des subventions qui, dans
le même temps, chute de 34% à 24%. En outre, la commande publique touche
de plus en plus d'associations : 23% d'entre elles étaient concernées
par ce type de financement en 2011, contre 7% seulement en 2005.
Pour la chercheuse, "la transformation rapide des subventions en
commandes publiques a plusieurs origines. Un changement de philosophie
dans le financement public des associations, les incertitudes pesant sur
le statut juridique de la subvention au regard des réglementations
européenne et nationale, surtout en l'absence de définition légale de
celle-ci [ce que comble le récent projet de loi ESS, ndlr], conduisent
les collectivités publiques à développer les commandes publiques pour
éviter les risques de requalification des subventions en commandes
publiques. La montée en charge des collectivités territoriales dans le
financement du secteur associatif contribue aussi à cette évolution, les
régions et les conseils généraux ayant tendance à préférer les
financements de type commandes aux subventions pour des motifs variés :
formatage des actions des associations en fonction des politiques
locales, meilleure visibilité des acteurs publics".
Le secteur social, "roi" de la commande publique
Bien entendu, dans un paysage qui regroupe 1,3 million d'associations
aux profils hétérogènes, le recours à la commande publique varie
fortement selon le secteur d'activités et le statut, ou non,
d'employeur. Le secteur médicosocial est le principal destinataire des
subventions publiques : il perçoit 45% des subventions publiques en
direction des associations et 74% des commandes publiques. Pour Viviane
Tchernonog, "cela s'explique notamment par la taille du secteur et la
nature des fonctions remplies par ces associations dont les publics sont
souvent en situation de difficulté et qui sont fortement employeuses de
professionnels salariés". Et sans surprise, les secteurs de l'action
humanitaire, sociale et de la santé sont ceux pour lesquels le
financement public prend le plus souvent la forme de commandes : 64% des
financements publics en direction de ces secteurs proviennent de
commandes. Il est aussi à noter que la part de la commande dans le
financement public du secteur éducation, formation, insertion atteint
49%. Par ailleurs, les financements publics s'adressent pour l'essentiel
aux associations employeuses, qui représentent 14% des associations mais
perçoivent 91% des subventions publiques et 95% des commandes publiques.
Visiblement comblée par cette présentation, Valérie Fourneyron a
souhaité donné un rendez-vous régulier au secteur associatif : "Ce
moment que nous partageons, il serait bien qu'il s'inscrive dans la
durée. Nous avons besoin de nous retrouver au moins une fois par an pour
une réflexion, un débat, à partir d'une observation qui permette cette
analyse plus qualitative." En attendant la tenue d'un prochain colloque,
l'intégralité des travaux de Viviane Tchernonog sera publiée à l'automne
2013.
Jean Damien Lesay
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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