[Infoligue] Témoignages d'animateurs : "Vers des colos ghettos ?"
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mar 16 Juil 17:34:23 CEST 2013
Témoignages d'animateurs : "Vers des colos ghettos ?"
Publié par : Le Monde.fr
Le : 16.07.2013
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D'après un rapport parlementaire, les colonies de vacances sont en mal
de mixité. Le Monde.fr a recueilli le témoignage d'animateurs de
séjours. Morceaux choisis.
"Vers des colos ghettos ?", par Jocelyne, salariée d'une association
organisatrice de colonies de vacances
J'essaie de mettre en œuvre l'objectif de mixité sociale qui est au cœur
de notre projet éducatif. Dans leur quotidien, les enfants ne
fréquentent que d'autres jeunes issus du même milieu que le leur, dans
leurs établissements scolaires, leurs quartiers ou leurs entourages
familiaux ou amicaux. La colo semble donc être l'une des rares occasions
de rencontrer des jeunes d'origines sociales, géographiques et
culturelles différentes et, par la même occasion, de dépasser leurs
préjugés, de s'ouvrir aux autres, et d'élargir leur champ de vision de
la société.
Nous organisons, avant chaque période de vacances, des réunions de
présentation de séjours auprès des familles dont les enfants partent en
colonie. Cette année, lors d'une réunion dans un grand comité
d'entreprise parisien, une maman a souhaité annuler le séjour de sa
fille, car la colo accueillait également un petit groupe inscrit par une
ville de Seine-Saint-Denis. Lors d'une autre réunion dans une grande
ville des Hauts-de-Seine, j'ai vu des parents grimacer lorsque nous
avons annoncé que l'autre moitié du groupe venait d'une ville de l'Essonne.
La pression existe bel et bien pour que nous évitions cette mixité
sociale au sein des séjours. Le dérive étant de se diriger vers des
colos ghettos, pour les riches d'un côté, et pour les pauvres de l'autre.
"Un marché lucratif", par Vincent P., 26 ans, ancien directeur de
colonies de vacances
Le monde de l'animation n'a plus grand-chose à voir avec les "jolies
colonies de vacances" d'antan. De nombreuses structures, n'ayant
d'ailleurs pas toutes un statut associatif, sont apparues. Celles-ci se
partagent aujourd'hui un marché bien lucratif. Comment parler de mixité
sociale quand certains séjours facturent une semaine de colo à plus de 1
000 euros ?
En tant directeur, j'ai encadré de nombreuses structures différentes :
centres aérés, centres de vacances... Les séjours hébergés sont de loin
ceux qui offrent le moins de mixité sociale. Quand, en août, les foyers
ferment, tous ces jeunes, parfois en difficulté, sont envoyés dans des
séjours peu coûteux. On se retrouve donc avec une population issue
parfois à 90 % de foyers.
Face à eux, de jeunes animateurs à peine formés, pour qui l'encadrement
n'est pas un exercice aisé. Heureusement, tout se passe généralement
bien, et ces séjours sont parmi mes plus beaux souvenirs. Car dans ce
cadre, le mot animer, "donner une âme", prend tout son sens. Mais face à
la marchandisation du secteur, qui sait combien de temps encore les
"colos" resteront un espace de socialisation quelque peu alternatif ?
"Je perçois une certaine mixité sociale", par Cléo, 20 ans, animatrice
Je suis animatrice dans une association de scoutisme laïque. Les jeunes
que j'encadre chaque année en août sont majoritairement envoyés par le
Secours populaire. Visiblement, ils sont issus de milieux défavorisés.
L'année dernière, par exemple, deux jeunes filles avaient été inscrites
par leur assistante sociale, afin d'être éloignées quelque temps de leur
famille. Les autres enfants viennent, semble-t-il, de classes moyennes
ou aisées, qui côtoient donc des jeunes en très grande difficulté.
Je perçois donc une certaine mixité sociale lors de ces colonies.
Peut-être est-ce dû au fait que nous sommes une association à but non
lucratif, que certaines familles peuvent encore bénéficier de la CAF et
que nous faisons venir des jeunes via le Secours populaire.
"Ségrégation des offres", par Natacha F., animatrice
Animatrice pour un organisme parisien dont les séjours sont très chers,
je n'ai eu, en cinq ans, qu'un seul enfant issu de foyer, dont le séjour
était payé par sa région d'origine. Tous les autres sont des enfants de
cadres, de médecins, parfois d'enseignants.
A l'inverse, des collègues travaillant avec la mairie de Paris ou des
organismes moins chers reçoivent très souvent des enfants défavorisés.
"Des prix de plus en plus élevés", par Joséphine R, ancienne animatrice
Il existe de nombreux organismes de colonies de vacances. Et
effectivement, ceux qui marchent le mieux sont clairement adressés à un
public aisé. Ils proposent des séjours thématiques et un très fort
encadrement, avec un animateur pour six enfants, alors que la loi
prévoit un animateur pour douze. Ceci justifie des prix de plus en plus
élevés. Mais les animateurs, eux, sont toujours aussi mal payés.
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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