[Infoligue] La composition du CSP / Le Conseil supérieur des programmes : Pour quoi faire ?
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Ven 11 Oct 07:21:35 CEST 2013
Le Conseil supérieur des programmes : Pour quoi faire ?
Publié par : http://www.cafepedagogique.net/
Le : 11/10/13
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"Il ne revient pas à un ministre de faire les programmes". Vincent
Peillon a installé le 10 octobre le Conseil supérieur des programmes
(CSP) et présenté son programme de travail. Le nouveau CSP va devoir
arbitrer sur des points délicats laissés en arbitrage par la loi
d'orientation. Le ministre avait une intention : présenter le CSP comme
une structure totalement indépendante de son ministère mais aussi des
lobbys disciplinaires ou des influences syndicales. La démonstration
reste à faire...
La composition du CSP
Encadré d'Alain Boissinot, président du CSP, et d'Anny Cazenave,
vice-présidente, Vincent Peillon a rapidement présenté les 18 membres du
CSP. Composé de 18 membres, 8 parlementaires et 10 experts désignés par
le ministre, le Conseil supérieur de l'éducation est paritaire
conformément à la loi d'orientation. Son président est un personnage clé
du ministère. Inspecteur général, ancien membre du Conseil national des
programmes, il a été directeur de l'enseignement scolaire et directeur
de cabinet de Luc Ferry. Anny Cazenave est moins connue dans l'éducation
nationale. C'est une géophysicienne, membre de l'Académie des sciences.
Parmi les autres membres nommés par le ministre, Marie-Claude Blais est
une philosophe auteure d'ouvrages sur la philosophie politique de
l'éducation. Xavier Buff préside la section mathématiques au Conseil
national des universités. Agnès Buzyn est professeur de médecine. Eric
Favey est secrétaire général de la Ligue de l'enseignement. L'inspecteur
général Roger François Gauthier est un spécialiste des programmes. Denis
Paget est un ancien co-secrétaire général du Snes. Sylvie Plane, agrégée
de grammaire, professeure en IUFM a des responsabilités au Snesup.
Directrice de recherches au CNRS, Agnès Van Zanten est un sociologue de
l'éducation renommée.
Les assemblées ont désigné 8 membres du CSP. L'Assemblée nationale a
nommé Luc Belot et Sandrine Doucet, députés PS et Annie Genevard,
députée UMP. Le Sénat envoie au CSP des personnalités plus connues dans
l'éducation. Jacques Legendre suit les questions d'éducation à l'UMP
depuis des années. Marie Christine Blandin, vice présidente du groupe
écologiste du Sénat, a été très active dans les débats de la loi
d'orientation. Jacques Bernard Magner est membre socialiste de la
Commission éducation. Le CESE a nommé Marie-Aleth Grard, vice présidente
d'ATD Quart Monde et André Leclercq, vice président du Comité olympique
français.
Les missions du conseil
Le CSP "émet des avis" et "formule des propositions" sur "la conception
générale des enseignements dispensés" de l'école au lycée,
"l'introduction du numérique", "le contenu du socle commun" en veillant
à la cohérence des programmes. La loi d'orientation précise que " afin
d’avoir une vision globale des programmes et de leur articulation avec
le socle commun, le conseil devra organiser ses réflexions, non
seulement par grand domaine disciplinaire mais aussi par cycle, afin de
garantir une cohérence interne forte en termes de connaissances, de
compétences et d’apprentissages à chaque cycle". Il doit aussi décider
de la validation du socle ce qui revient à lui donner un droit de regard
sur les examens, y compris le bac. Le CSP aura aussi son mot à dire sur
le "contenu des épreuves des concours de recrutement d'enseignants".
C'est dire que le CSP sera au centre de toutes les politiques
ministérielles et de toutes les tensions entre les acteurs de l'Ecole.
Alors que le Haut Conseil de l'Education, qu'il remplace selon la loi",
se bornait à un rapport annuel, le CSP aura à préparer de nombreux avis
sur des sujets très variés.
Socle, primaire et maternelle
Le ministre a chargé le CSP de 4 missions dans un premier temps. La
première concerne le socle. La loi d'orientation s'était bien gardée de
définir le socle. Le CSP doit "réexaminer sa conception et ses
composantes dans le respect des objectifs définis par la loi : le socle
doit permettre la poursuite d’études, la construction d’un avenir
personnel et professionnel et préparer à l’exercice de la citoyenneté".
Objet d'opposition entre réformistes et traditionnalistes de
l'éducation, le socle pourrait faire l'objet des premiers affrontements
dans le CSP. "Au demeurant, je souhaite que votre réflexion sur le socle
prenne en compte la nécessaire articulation entre le socle et les
programmes de l’école et du collège, les seconds devant constituer la
déclinaison du premier", précise la lettre de mission du ministre.
Le premier programme que le CSP devra établir concerne la maternelle.
"Je souhaite (leur) application à tous les niveaux du cycle des
apprentissages premiers dès la prochaine rentrée scolaire", précise le
ministre. Interrogé, Alain Boissinot nous a déclaré qu'il entendait
"trouver le point d'équilibre pour que l'école maternelle prépare les
enfants à la suite de la scolarité sans se transformer en classe
préparatoire au CP". Pour la rentrée 2015 le CSP devra avoir rédigé les
programmes de la première année de chaque cycle du primaire.
Les "éducations à"
Le ministre attend aussi pour cette rentrée 2015 "une proposition de
programme d’enseignement moral et civique, depuis l’école jusqu’au
lycée", ainsi que " deux référentiels à destination de tous les élèves
relatifs à la construction, pour le premier, d’un parcours d’éducation
artistique et culturelle et, pour le second, d’un parcours individuel
d’information, d’orientation et de découverte du monde économique et
professionnel". Pour corser la difficulté, le CSP devra également tenir
compte de tout ce que le gouvernement a du ajouter à la loi pour obtenir
des votes majoritaires. Ainsi le CSP devra tenir compte des objectifs
"d'éducation à l’environnement et au développement durable, du respect
de l’égalité entre les sexes, de la valorisation des langues et cultures
régionales, de la promotion d’une plus grande ouverture sur l’Europe et
sur le monde, ainsi que la prise en compte des contraintes propres aux
personnes souffrant d’un handicap ou d’un trouble invalidant". Le CSP
devra également résoudre la question de la note de vie scolaire,
disparue de la loi mais pas de la définition du brevet. Derrière cette
note, c'est la question de l'évaluation de certaines compétences du
socle qui est posée.
Ajoutons que le ministre a omis "la promotion de la culture scientifique
et technologique" pendant le temps scolaire et périscolaire tout au long
de la scolarité, qui est bien une obligation légale. Comment dégager du
temps pour tous ces enseignements tout en tenant compte des exigences
des lobbys disciplinaires et pédagogiques ? Voilà de quoi occuper
largement le CSP pendant les 3 prochaines années au moins....
Collège et lycée
Le CSP pourrait aussi être saisi de la refonte des programmes du collège
et du lycée. Des exigences fortes se sont faites jour dans certaines
disciplines au point que le ministère a été obligé d'adopter
prématurément des allègements en histoire-géo et S.E.S. par exemple. Lié
à ces questions, c'est l'avenir du brevet et du bac qui devront être
tranchés. Le brevet actuellement fait double emploi avec la validation
du socle.
Mais qu'est-ce qu'un programme ?
Le CSP devra rédiger une charte précisant la procédure d'élaboration des
programmes. Longtemps la rédaction des programmes a été confiée à
l'inspection générale. En 1989, C. Allègre a créé un Conseil national
des programmes. Les programmes avaient des rédacteurs connus. Mais le
CNP a été supprimé en 2005. Et les programmes du primaire de 2008 ont
été rédigés dans le secret du cabinet ministériel par des mains
anonymes, sans discussion et débat. V Peillon a voulu rompre avec cette
façon de faire.
Mais qu'est ce qu'un programme ? V Peillon souhaite encourager
l'interdisciplinarité dans les programmes. La nomination de RF Gauthier
au CSP devrait amener le CSP à réfléchir d'abord à l'écart entre
programme et curriculum. "Le curriculum renverse la logique des
programmes habituelle", nous a dit A Boissinot. "C'est une vision plus
haute qui décline les disciplines en partant du parcours d'apprentissage
des élèves". C'est cette vision incluant l'évaluation qui devrait
s'imposer au sein du CSP rompant avec les programmes listes traditionnels.
Des groupes de travail et des chargés de mission
Pour pouvoir réaliser tout cela, le CSP devra bénéficier de bien plus
que ses 18 membres. Le ministère a déjà choisi la secrétaire générale du
CSP en désignant... l'actuelle responsable du bureau des programmes de
la Dgesco. Interrogé par le Café, Alain Boissinot a précisé qu'il
recruterait une dizaine de chargés de mission pour accompagner des
groupes de travail.
Quelle indépendance vis à vis du ministère ?
"Le CSP organisera totalement librement ses travaux avec des chargés
d'étude et la possibilité d'installer ses groupes d'experts... C'est la
première fois que les experts sont rattachés à un conseil et non à
l'administration" a précisé le ministre. "Il ne revient pas au ministre
de faire les programmes. Je veux l'indépendance du conseil". Le
prédécesseur du CSP, le HCE, avait fait montre d'une indépendance
certaine en prenant souvent à rebrousse poil l'institution. Le CSP aura
plus de mal à s'affirmer indépendant déjà dans la mesure où la majorité
de ses membres sont nommés par le ministre de l'Education nationale. En
choisissant des personnalités aussi bien installées dans l'institution
que son président, ancien membre du CNP, ou des inspecteurs généraux, le
ministre a plutôt choisi la continuité que la rupture avec la rue de
Grenelle. Il a d'ailleurs envoyé un signal assez clair en nommant comme
secrétaire du comité, chargée de le faire fonctionner, la responsable
des programmes de la Dgesco...
Et envers les lobbys disciplinaires et syndicaux ?
Le ministre a vivement souligné sa volonté de faire échapper le CSP aux
lobbys disciplinaires. Mais est-ce possible ? Un membre du CSP
représente les maths au CNU. D'autres ont une identité disciplinaire. A
Boissinot, RF Gauthier ou S Plane viennent des lettres.
Mais il est d'autres pressions. La présence de plusieurs responsables
FSU au sein du CSP fait jaser les autres syndicats. Le camp réformiste
(Se Unsa, Sgen Cfdt, CRAP, Education & devenir) a réagi publiant un
communiqué demandant la suppression du brevet, qui pourrait être
remplacé par différentes évaluations en cours d'année) et l'introduction
dans le socle d'un pilier "apprendre à apprendre".
Aucun enseignant au CSP
Aucun enseignant de terrain ne siège au CSP. alors même qu'un collectif
de chercheurs et d'associations professionnelles, proche de la FSU, a
demandé expressément que le CSP travaille avec des enseignants. Vincent
Peillon a décidé, pour les programmes du primaire, une double
consultation du terrain, avant la mise en place du CSP et après la
rédaction d'un projet de programme par le CSP. Interrogé par le Café il
a souhaité que des professeurs de terrain soient inclus dans les groupes
de travail. Ca tombe bien car pour aborder la maternelle ou les
programmes du primaire il n'y a personne au CSP qui ait pratiqué fut-ce
en un temps reculé...
François Jarraud
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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