[Infoligue] Le management associatif : Un savoir-faire complexe qui cherche encore ses marques

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mar 28 Jan 09:00:13 CET 2014


Le management associatif : Un savoir-faire complexe qui cherche encore 
ses marques

Publié par : 
http://samedi.lenouveleconomiste.fr/dossier-art-de-vivre/le-management-associatif-21217/
Le : 16/01/2014

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Loin de l’image d’Épinal, le milieu associatif n’est pas épargné par les 
conflits. À la différence des entreprises, on y voit cohabiter bénévoles 
et salariés, dont les motivations et les rôles diffèrent. L’équilibre 
s’avère délicat à trouver et les conflits de légitimité fréquents. 
Beaucoup d’associations font le choix de calquer leur gestion RH sur 
celle des entreprises. Avec un succès très relatif. Elles sont 
nombreuses à tâtonner pour trouver le moyen de fidéliser des bénévoles 
toujours plus volages. Entre les petites structures, où l’autogestion 
prévaut parfois, et les grosses machines déshumanisées, le management 
associatif cherche encore sa voie.

En novembre dernier, une enquête préliminaire basée sur des soupçons de 
détournement d’argent public est lancée à l’encontre du directeur 
général de l’association France Terre d’asile. À l’origine, un courrier 
de dénonciation signé par les “salariés et amis” de l’organisme. Aux 
yeux de Laurent Samuel, responsable du site Association1901.fr, cette 
affaire illustre le rapport particulier qui existe entre le personnel 
associatif et la direction. “Une telle situation serait inimaginable 
dans une entreprise, souligne-t-il. Il serait suicidaire pour des 
salariés de se plaindre que le directeur général est trop bien payé ou 
qu’il ne gère pas correctement la boîte !”

À l’instar de l’affaire France Terre d’asile, le monde associatif est 
régulièrement secoué par des litiges opposant bénévoles, salariés et 
dirigeants. “On observe une forte prévalence des conflits prud’homaux 
dans ce secteur”, observe Laurent Samuel. Preuve que la gestion des 
ressources humaines au sein d’une association s’avère plus délicate 
qu’en entreprise. “La spécificité du management associatif, c’est que 
l’on est susceptible d’avoir deux types de ressources humaines : des 
bénévoles et des salariés, fait valoir le spécialiste. Ce sont deux 
types de public à gérer, avec des motivations et une légitimité au sein 
de la structure qui diffèrent, ce qui peut donner un cocktail explosif.” 
Pour assurer leur bon fonctionnement, les associations sont donc 
incitées à réfléchir à leur mode de gestion des ressources humaines. 
Mais si des “bonnes pratiques” existent, selon Laurent Samuel, “la 
science du management associatif reste à inventer”.

La mutation du secteur associatif

En l’espace d’une trentaine d’années, le monde associatif s’est 
métamorphosé. Du fait de la complexité des missions qui leur incombent, 
les associations ont été amenées à se structurer et à se 
professionnaliser. Et en leur sein, le nombre de salariés a été 
multiplié par trois depuis le début des années 1980.

La Croix-Rouge fait partie des organisations fonctionnant à la fois avec 
des salariés et des bénévoles. “Il y a toujours eu une Croix-Rouge 
professionnelle et une Croix-Rouge bénévole, indique Stéphane Mantion, 
directeur général de la Croix-Rouge française. Mais nous mixons souvent 
les deux activités. Cette mixité fait la richesse des associations en 
général, et de la nôtre en particulier. Par exemple, les bénévoles 
interviennent sur les maraudes en complément du Samu social après 
23 heures, ce qui nous a permis d’élargir nos tranches horaires.”

Les bénévoles sont dans la grande majorité des cas au cœur de la vie 
associative : 85 % des associations ne fonctionnent qu’avec des 
bénévoles. Leur profil a lui aussi évolué radicalement. “On constate un 
nombre de bénévoles qui augmente, se félicite Guillaume Douet, 
responsable du pôle bénévolat au sein du Secours Catholique. Mais on a 
aussi des profils de plus en plus variés, avec davantage de jeunes, de 
demandeurs d’emploi et d’actifs.” Une variété qui complexifie, à ses 
yeux, la gestion du parcours de ces bénévoles. Autre évolution 
problématique, celle de la disponibilité des nouvelles recrues : “le 
bénévolat régulier est en baisse, tandis que le bénévolat ponctuel 
augmente”, note Guillaume Douet. Cette volatilité pose un problème accru 
de fidélisation.

“L’engagement ‘à la papa’ du bénévole, qui se consacre corps et âme à 
son association, est en passe de disparaître, pointe Laurent Samuel, 
responsable du site Association1901.fr. Pour les dirigeants, il est 
parfois assez désespérant de gérer le turnover”, notamment lorsqu’il 
s’agit assurer la continuité des missions. D’autant que les associations 
sont de plus en plus amenées à rechercher des bénévoles dotés de 
compétences pointues.

La professionnalisation des associations a eu pour corollaire la 
nécessité de structurer la gestion des effectifs bénévoles et salariés. 
D’où le développement de pratiques de gestion des ressources humaines 
calquées sur le monde de l’entreprise… avec plus ou moins de bonheur. 
“Certaines associations qui s’essaient au management singent vaguement 
les pratiques managériales du secteur marchand ou de la fonction 
publique en organisant des hiérarchies plus ou moins pyramidales ; et 
là, c’est catastrophique”, s’alarme Laurent Samuel.

Bénévole/salarié, la dichotomie par qui tout arrive

Premier écueil, selon lui, la non-prise en compte de la spécificité des 
bénévoles. “Le bénévole de base ne vient pas dans une association pour 
retrouver ce qu’il a au bureau, c’est-à-dire un chef qui lui dit ce 
qu’il faut faire, souligne Laurent Samuel. En général, les bénévoles 
cherchent au sein des associations un lieu d’épanouissement personnel.” 
Contrairement aux salariés, liés par un contrat de travail et une 
subordination hiérarchique, le bénévole fait don de son temps et de ses 
compétences uniquement parce qu’il le veut bien, et peut plier bagage 
quand bon lui semble. Une réalité que les dirigeants associatifs 
oublient parfois.

Se superpose un autre type de risque inhérent au secteur : celui du 
conflit entre bénévoles et salariés au niveau opérationnel. “Sur des 
chantiers au quotidien, les bénévoles et les salariés associés, c’est un 
peu comme la carpe et le lapin, ironise Laurent Samuel. Il y a une 
parfois une méfiance des salariés vis-à-vis des bénévoles : ceux-ci sont 
assimilés à des amateurs qui viennent quand ils en ont le temps, tandis 
que salarié est là 8 heures par jour et est soumis au pouvoir 
disciplinaire de sa hiérarchie. Vous avez aussi des bénévoles qui 
verraient bien dans l’association un potentiel employeur, estimant 
qu’ils font le même boulot que les salariés… Les statuts sont tellement 
différents que cela crée forcément des jalousies.”

L’absence de véritable management est une autre source fréquente de 
difficultés. “C’est le cas dans bon nombre d’associations, observe 
Laurent Samuel. L’organisation se fait sous une forme d’autogestion : 
personne n’est vraiment responsable du bon fonctionnement. L’exercice du 
pouvoir est flou.” Qui plus est, “les dirigeants bénévoles sont rarement 
des spécialistes du management”, pointe-t-il.

Les difficultés surviennent quand les responsabilités sont mal définies. 
Laurent Samuel ajoute : “dans une association, il peut y avoir une 
appropriation de la structure par les salariés beaucoup plus forte que 
dans une entreprise. Ils se trouvent légitimes à critiquer le 
management, car la structure est financée par l’argent des impôts, c’est 
un bien commun… C’est très pernicieux”. Cette problématique de 
légitimité se retrouve notamment au niveau de la direction, lorsque les 
managers salariés en viennent à entrer en conflit avec les dirigeants 
bénévoles. Alors que le directeur salarié est un professionnel embauché 
pour ses qualifications, les dirigeants bénévoles portent la 
responsabilité juridique et conduisent l’association, “mais sans 
forcément avoir les compétences techniques”, souligne Laurent Samuel. 
Plus qualifiés, les “cadres” salariés peuvent donc être tentés de 
remettre en cause la légitimité du management de ces dirigeants 
bénévoles. D’autant que ces derniers renoncent parfois à exercer leur 
pouvoir disciplinaire. “Dans le cas des associations professionnalisées, 
c’est très fréquent, souligne Laurent Samuel. Ce sont des dirigeants 
potiches, lorsque la boutique est gérée de fait par le directeur de 
l’établissement.” Or, ce dernier demeure pénalement non responsable des 
fautes qu’il commet dans l’exercice de ses fonctions. Toutefois, “en cas 
de pépin, dépôt de bilan ou contrôle fiscal par exemple, lorsque le 
directeur salarié confisque trop de pouvoir, il risque d’être requalifié 
en dirigeant de fait, souligne Laurent Samuel. Et donc de supporter une 
responsabilité personnelle”.

Le modèle de l’entreprise inadapté

Si le management demeure souvent informel niveau des petites structures, 
les grandes associations ont dû professionnaliser leur gestion RH. “Chez 
nous, les ressources bénévoles et salariées dépendent de deux directions 
différentes, explique Stéphane Mantion, directeur général de la 
Croix-Rouge française. Ces directions sont complètement étanches, car 
les bénévoles et les salariés relèvent de deux régimes juridiques et de 
sécurité totalement différents”. En particulier, “il ne faut pas que le 
travail des bénévoles chevauche celui des salariés, souligne Stéphane 
Mantion. Le droit du travail est très strict là dessus, et les 
syndicats, avec qui nous collaborons beaucoup, regardent de très près 
cela”. Une distinction nécessaire, car le risque de voir requalifiée une 
activité bénévole en salariat est réel au niveau juridique. Au 
demeurant, les abus de la part d’associations pour qui les bénévoles 
tiennent lieu de main-d’œuvre gratuite existent bel et bien.

Si la gestion RH s’avère mieux organisée au niveau des grandes 
structures associatives, elle pose également des difficultés 
spécifiques. Pour accompagner leur développement, la plupart de ces 
grosses associations ont mis en place des dispositifs de gestion des 
bénévoles similaires à ceux des salariés des grandes entreprises : 
entretiens de recrutement, dispositifs d’accueil, formations… S’il a 
pour but d’améliorer la gestion des bénévoles, ce processus peut aussi 
rebuter les nouvelles recrues qui se trouvent face à une grande machine 
déshumanisée, loin de l’esprit qu’elles sont venues chercher. “Certes, 
plus l’association est importante, plus le risque est grand de plaquer 
les techniques du management d’entreprise sans prendre en compte l’avis 
des gens, reconnaît Guillaume Douet, du pôle bénévolat du Secours 
Catholique. Mais ce n’est pas qu’une histoire de taille. Cela dépend 
plutôt de si l’association prend à bras-le-corps le sujet ou non.”

Pour mieux tenir compte de la diversité du profil des bénévoles, des 
grosses structures tentent d’assouplir leurs processus de gestion RH : 
horaires aménagés, prise en compte des contraintes du bénévole… “Il n’y 
a plus de parcours unique avec même procédure pour tout le monde, fait 
valoir Guillaume Douet. On va davantage chercher à écouter le bénévole 
pour comprendre ses motivations et son engagement. Il faut partir de la 
diversité, de ce qui fait la spécificité des équipes de bénévolat. Cela 
demande d’avoir une palette d’outils beaucoup plus grande.”

L’association tente également de mieux prendre en compte les besoins 
spécifiques des bénévoles en termes d’encadrement : “je fais attention à 
ne pas parler de ‘management’ de bénévoles, explique le responsable du 
pôle bénévolat du Secours Catholique. Si l’on plaque des techniques de 
management ascendant et descendant comme en entreprise, ça ne marche 
pas. Depuis quelques années, nous avons de plus en plus de formations au 
management au niveau des responsables d’équipe, sur la façon d’exercer 
les responsabilités et sur la gestion des bénévoles. On va réfléchir aux 
façons de les réunir et de communiquer.” Plus concrètement, son 
association cherche à favoriser le fonctionnement en binôme sur 
certaines tâches afin de pallier la volatilité croissante des bénévoles. 
“Désormais, nos équipes de pilotage sont moins centrées sur une personne 
seule, indique Guillaume Douet. Ainsi, il y a moins de risque si elle part.”

“Au niveau des associations, les bonnes pratiques relèvent plus de 
l’animation de groupe que du management stricto sensu, note de son côté 
Laurent Samuel. Elles consistent d’abord à faciliter le dialogue pour 
que les gens apprennent à se connaître et à compter les uns sur les autres.”

Les outils de la gestion des bénévoles

Peu à peu, les associations prennent cependant conscience de 
l’importance de formaliser davantage leurs modes de fonctionnement. 
France Bénévolat a développé toute une série de fiches pratiques en ce 
sens, dont une Charte du bénévolat qui fixe les règles du jeu 
collectives. D’autres supports d’action existent et tendent à se 
généraliser, tels que les livrets d’accueil à destination des nouveaux 
arrivants, les conventions d’engagement réciproques ou encore le 
règlement intérieur, qui définit l’étendue des missions de chacun.

Autre axe de travail : la valorisation de la contribution des bénévoles. 
En guise de reconnaissance de leur travail, quelques associations ont 
cherché à développer des formes de reconnaissance symbolique, comme des 
diplômes d’honneur offerts aux bénévoles. France Bénévolat a mis en 
place un Passeport Bénévole, qui vise à valoriser l’expérience acquise 
dans l’association. Par ailleurs, depuis 2002, les associations peuvent 
accompagner le bénévole dans une démarche de Validation des acquis de 
l’expérience (VAE). Mais de telles initiatives restent limitées.

Internet et les nouvelles technologies ont aussi incité une partie des 
associations à repenser leurs méthodes de communication. “On a une page 
Facebook qui marche bien et un site qui nous ramène beaucoup de 
bénévoles, indique Stéphane Mantion, directeur général de la Croix-Rouge 
française. Nous avons également lancé des campagnes nationales de 
recrutement par SMS. Cela nous a ramené beaucoup de jeunes. On a 
d’ailleurs développé une politique spécifique pour la jeunesse, avec 
notamment des outils comme des blogs pour qu’ils puissent partager leurs 
expériences entre eux.” Reste que de telles initiatives demeurent 
l’apanage des grandes associations. À l’inverse, nombreuses sont celles 
qui ne voient pas encore l’intérêt d’Internet et des réseaux sociaux 
pour attirer de nouveaux bénévoles et dépoussiérer leur image.

Salariés associatifs

Collaborateurs et employeurs pas comme les autres

À l’époque, l’affaire avait fait grand bruit. En 2010, les salariés 
d’Emmaüs s’étaient mis en grève pour dénoncer des salaires au rabais et 
leurs conditions de travail, jugées inacceptables. Au bout de quelques 
jours, un accord signé entre la direction et les représentants des 
salariés avait finalement mis fin à cette grève. Mouvements sociaux, 
revendications salariales… Est-ce la preuve que les salariés du monde 
associatif sont des salariés comme les autres ? “Juridiquement oui, 
humainement je ne trouve pas, estime Ghyslaine Wanwanscappel, directrice 
générale de la fondation des Amis de l’Atelier. Travailler dans le 
secteur non lucratif, on n’y va rarement par hasard.” “Les salariés du 
monde associatif sont très souvent des gens qui choisissent ce secteur 
de manière tout à fait délibérée, car ils veulent donner plus de sens à 
leur travail”, juge de son côté Laurent Samuel.

Un fort engagement personnel, qui demande d’avoir une gestion des 
ressources humaines adaptée. “Le management des salariés dans le monde 
associatif n’est pas complètement similaire au secteur commercial ou de 
l’entreprise, estime Guillaume Douet, responsable du pôle bénévolat au 
sein du Secours Catholique. En effet, il y a une forte adhésion aux 
valeurs de l’association ou à la cause, ce qui veut dire qu’en tant que 
manager, on a aussi à prendre en compte cette réalité-là. On va donc 
avoir à écouter davantage ce que pensent les salariés au niveau du 
projet de l’association.” “Quand on a 700 salariés, on a des instances 
de personnel et on est soumis au droit du travail comme ailleurs, 
indique pour sa part Ghyslaine Wanwanscappel. Simplement, on ne gère pas 
les gens de la même façon. Nous ne sommes pas soumis à la problématique 
de l’actionnaire qui veut un retour sur investissement. Nous cherchons à 
prendre davantage soin de notre personnel, d’autant qu’on est sur un 
secteur où la charge de travail physique et émotive est très forte.”

Pour autant, le secteur associatif est loin d’incarner l’employeur 
idéal. “À part les grosses associations qui fonctionnent comme des 
entreprises, il y a souvent une méconnaissance du droit du travail, 
pointe Laurent Samuel. Comme ce sont des bénévoles qui ont les pouvoirs 
disciplinaires de l’employeur, ils ont tendance à mal les exercer.” 
Autre problème dans un secteur où contrats aidés et temps partiel 
règnent en maître, celui de la précarité des emplois, ainsi que de la 
faiblesse des salaires. “Avec la réduction des subventions publiques 
accordées aux associations, il y a beaucoup de salariés qui sont en 
difficulté, surtout au niveau des petites associations”, pointe 
Guillaume Douet.

Tant bien que mal, les associations essaient de trouver des formes de 
reconnaissance autres que financières. “Comme on a peu de leviers au 
niveau des augmentations salariales ou au niveau de la mobilité, il faut 
arriver à trouver d’autres moteurs, indique Guillaume Douet. Et c’est 
souvent là où le secteur associatif a du mal.” “On essaie notamment de 
développer la formation, fait valoir Ghyslaine Wanwanscappel. Par 
exemple, dans un de nos établissements en Île-de-France, une bénévole 
propose à nos salariés des leçons de code gratuites.” La directrice 
générale de la fondation des Amis de l’Atelier ajoute en guide de 
conclusion : “il nous faut être inventifs !”.

Par Catherine Quignon
Publié le 16/01/2014

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Denis Lebioda
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