[Infoligue] Service civique : il va falloir mettre les moyens !

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Ven 18 Juil 09:43:25 CEST 2014


Service civique : il va falloir mettre les moyens !

Publié par : http://www.localtis.info
Le : jeudi 17 juillet 2014

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Le service civique remporte depuis son lancement en 2010 un franc succès 
qui n'a de limites que le budget alloué au dispositif. Devant la montée 
en charge souhaitée par François Hollande et son ambitieux objectif de 
100.000 jeunes en service civique d'ici 2017, le rapport Chérèque, remis 
le 11 juillet, propose des pistes pour abonder le budget dédié : faire 
participer les ministères utilisateurs de service civique (l'Education 
nationale et la Politique de la ville en premier lieu), piocher dans le 
budget des emplois aidés, aller voir du côté des crédits européens, 
affecter de nouvelles taxes, solliciter les hôpitaux et bien sûr... les 
collectivités.

"Dans un contexte budgétaire contraint, nous allons dégager un effort 
exceptionnel de 100 millions d'euros sur le budget triennal 2015-2017, 
pour accompagner la montée en charge du service civique", a annoncé à 
l'AFP la ministre de la Jeunesse, Najat Vallaud-Belkacem, à laquelle 
François Chérèque, président de l'Agence du service civique (ASC), 
remettait le 11 juillet le rapport "Liberté, égalité, citoyenneté : un 
service civique pour tous".

Fort de 29 propositions pour consolider et assurer l'avenir de cette 
initiative créée en 2010 à destination des 16-25 ans, le rapport 
rappelle que pour satisfaire l'ambitieux objectif des 100.000 
volontaires dès 2017, annoncé par François Hollande le 24 juin dernier 
lors de son discours "La France s'engage", il va falloir repenser les 
crédits dédiés au dispositif. En 4 ans, les chiffres sont éloquents : de 
6.000 volontaires au lancement, il est question de 35.000 jeunes qui 
sont en mission d'intérêt général en 2014 dans les structures d'accueil 
agréées (1) par l'ASC. Un franc succès qui n'a de limites que le budget 
alloué au dispositif.

Tripler le budget

Dès 2011 (lire notre article ci-contre), le manque de moyens financiers 
était avancé, annonçant un dispositif qui ne pouvait satisfaire sa 
montée en charge rapide. Dans son rapport, le président du think-tank 
Terra Nova et accessoirement ancien secrétaire général de la CFDT 
confirme trois ans plus tard que "le service civique est aujourd'hui 
victime de son succès", et que l'Agence du service civique ne peut 
offrir une mission à tous les jeunes désireux de s'engager (cinq 
demandes pour une mission).
"La quasi-totalité du budget du service civique étant destinée au 
financement direct des missions (indemnité, protection sociale, aide à 
l'accompagnement et à la formation civique et citoyenne), le service 
civique doit tripler son budget, qui est de 140 millions en 2014, à 
l'échéance 2017", affirme François Chérèque, qui, s'il ne souhaite pas 
remettre en cause la part prépondérante de l'Etat, envisage d'autres 
pistes de financement.

"Depuis 2010, 99,4% du budget de l'agence est abondé par les crédits du 
budget de la jeunesse et de la vie associative, le programme 163 
"jeunesse et éducation populaire". En 2014, la part du service civique 
représente plus de 60% du programme budgétaire. Dès 2015, les crédits 
nécessaires pour suivre la courbe de la montée en charge représentent la 
totalité du programme (environ 200 millions d'euros pour 50.000 
volontaires), relève François Chérèque. Le compte est alors rapidement 
fait : "Soit le budget de la jeunesse est abondé, soit des lignes 
complémentaires viennent abonder le budget de l'agence."

Modifier l'assise budgétaire

Il va donc falloir revoir les sources de financement pour que le 
dispositif survive à l'objectif des 15% d'une classe d'âge dès 2017. Le 
rapport met entre autres en cause la non-participation de certains 
ministères pourtant utilisateurs "massifs" du dispositif. Plus 
précisément, cite-t-il : l'Education nationale qui, pour lutter contre 
le décrochage scolaire, utilise depuis 2012 le service civique et qui en 
2013 a accueilli 3.600 jeunes décrocheurs tout en planifiant pour 2014 
de raccrocher 5.000 jeunes. Or la participation de l'Education nationale 
au dispositif s'élève à ce jour à 0 euros quand son budget avoisine les 
63,5 milliards d'euros en 2014 pointe le rapport...

François Chérèque souligne de même la participation symbolique (deux ETP 
mis à disposition, valorisés à hauteur de 160.000 euros dans le budget) 
du ministère de la Ville qui puise également dans le dispositif pour 
sortir des jeunes non diplômés ou en errance des quartiers. "Chaque 
année, entre 3.000 et 4.000 jeunes qui relèvent de la politique de la 
ville sont accueillis en service civique, soit 17% environ des 
volontaires en service civique, ce qui correspond à peu près à leur 
proportion parmi les jeunes. Un objectif de 25% a été fixé à l'agence 
par le ministère de la Ville", est-il ainsi rappelé.
En résumé, la diversité des champs d'intervention des missions offertes 
aux volontaires, qu'elles se déroulent dans les domaines de la 
solidarité (plus de 15.000 missions depuis 2010), de la santé, de 
l'environnement, de la lutte contre les discriminations... devrait 
s'assoir sur un financement interministériel.

Des montages financiers pour abonder les crédits du service civique

"Il faut garder à l'esprit que près de 50% des jeunes qui commencent un 
service civique se déclarent demandeurs d'emploi", rappelle François 
Chérèque en soulignant que le service civique était intégré dans les 
solutions possibles pour préparer un retour à l'emploi des jeunes. 
Listant différents montages financiers, le rapport préconise entre 
autres "d'ouvrir la possibilité d'abonder le budget du service civique 
par des crédits destinés à favoriser l'emploi des jeunes (programme 
102), afin de porter plus collectivement l'effort en direction de 
l'insertion des jeunes. Le coût de la politique de l'emploi des jeunes 
est de 1,7 milliard d'euros pour 2014, dont 1,2 milliard pour les 
emplois d'avenir. La durée moyenne de ces contrats s'élève à 26 mois, ce 
qui signifie une décrue du dispositif à partir de 2015, afin d'amortir 
la diminution des crédits à destination de la jeunesse et de maintenir 
une offre pour les 16-25 ans, une augmentation des crédits du programme 
163 proportionnelle ou partiellement proportionnelle à la diminution du 
programme 102 pourrait être envisagée". Plus largement, "si on rapporte 
les crédits du service civique à l'ensemble de l'effort consenti à 
destination de la jeunesse, ils représentent en 2014 moins de 0,2%. 
Permettre à 15% d'une classe d'âge d'effectuer un service civique ne 
représenterait que 0,5% de l'ensemble de l'effort financier réalisé à 
destination de la jeunesse", affirme-t-il.

Fonds européens, taxe sur les jeux en ligne...

Par ailleurs le rapport liste également des fonds qui proviendront 
également de financements européens tels que l'IEJ (Initiative 
européenne pour la jeunesse), le service civique ayant été reconnu par 
la Commission européenne parmi les mesures éligibles à ce financement. 
37 millions d'euros ont été prévus dans ce cadre par la Délégation 
générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) pour 
financer l'indemnité et la protection sociale des volontaires 
correspondants aux critères européens de "NEETs" (Not in Education, 
Employment or Training) dans les territoires identifiés comme prioritaires.

L'idée d'une affectation d'une "ressource fiscale" au service civique 
est proposée, par exemple "une fraction de la taxe sur les jeux en ligne 
(loto sportif)" pour "financer des actions de service civique dans le 
domaine du sport ou plus généralement une taxe affectée sur la Française 
de jeux pour des actions prédéfinies".
Des opérateurs publics pourraient également trouver un fort intérêt à 
développer des missions de service civique propres à leur activité... et 
à les cofinancer, suggère le rapport. "On peut penser aux hôpitaux, qui 
constituent une mine de missions d'intérêt général encore peu exploitée, 
aux collectivités territoriales, notamment les communes, pour qui les 
volontaires pourraient constituer un levier pour la mise en oeuvre de 
certaines de leurs missions, ou aux pompiers, qui ont déjà manifesté 
leur souhait de bénéficier d'un service civique adapté à leurs propres 
contraintes de recrutement."

Une aide au tutorat sous conditions...

Une ouverture plus volontaire aux fonds privés est par ailleurs 
souhaitable pour François Chérèque : "Nous préconisons de développer 
plus volontairement la participation des entreprises au financement du 
service civique", pour que le dispositif puisse être "lu comme la 
volonté de faire de l'engagement de la jeunesse la cause de tous". Ce 
qui ne doit pas être perçu, précise la rapport, comme un désengagement 
de l'Etat, même si le rapport annuel de la Cour des comptes (voir notre 
article ci-contre du 11 février 2014) préconisait de faire baisser la 
part financière de l'Etat... En question, les 100 euros versés par mois 
par l'Etat au titre du tutorat aux associations qui emploient des jeunes 
volontaires, somme que ne perçoivent pas les collectivités qui offrent 
des missions au sein de leurs services.

Si le rapport rendu par François Chérèque ne souhaite par revenir sur 
cette somme, il émet l'idée de la verser selon certaines conditions. 
"Nous proposons de conditionner le versement de l'aide, pour les 
organismes qui accueillent six volontaires par an ou plus, au respect 
d'un certain nombre des objectifs de l'agence en matière de mixité et 
d'accessibilité : proportion de volontaires sans aucune qualification 
(décrocheurs scolaires) ; proportion de volontaires peu ou pas qualifiés 
; proportion de volontaires issus de quartiers politique de la ville ; 
proportion de volontaires handicapés."

Donner du sens

"Afin de tenir compte de la situation de chaque association, on pourrait 
imaginer que trois des quatre indicateurs doivent être remplis pour 
déclencher l'aide à taux plein", précise le rapport avant de stipuler, 
cependant, que "le gain attendu de cette mesure est difficile à évaluer 
et sera faible car l'objectif est bien d'inciter les comportements 
vertueux".

En tout état de cause, et quels que soient la forme juridique et le 
montage financier retenus, il est nécessaire selon le président de 
l'agence "que les ressources du dispositif soient stables et qu'elles ne 
soient pas à la merci du désengagement soudain de tel ou tel 
contributeur financier".
"Je veux que la jeunesse soit toujours la priorité", a martelé François 
Hollande au cours de sa conférence sociale et de son entretien télévisé 
du 14 juillet sur France 2. Concernant le dispositif, le président de la 
République concluait sans ambages par un : "Je veux qu'il y ait un 
engagement, une volonté pour la Nation, il faut mettre les moyens 
nécessaires."

Reste à voir dans ces temps de disette budgétaire si la solidarité 
fonctionnera entre ministères...

* Personnes morales agréées, organismes sans but lucratif, personnes 
morales de droit public.

Sandrine Toussaint

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Vers des "comités stratégiques régionaux" ?

"L'évolution la plus cruciale dans la gouvernance devra avoir lieu au 
niveau territorial", avance le rapport Chérèque, qui a l'ambition "de 
faire du service civique un élément structurant de toutes les politiques 
de territoire". Il propose précisément d'"aller au bout de la logique 
des comités de coordination qui se sont mis progressivement en place" 
pour en faire des "comités stratégiques régionaux rassemblant toutes les 
forces vives du service civique (grands réseaux nationaux présents sur 
le territoire inclus), et assurer la mobilisation de tous pour la 
déclinaison et l'adaptation des orientations stratégiques de l'agence au 
contexte local". Une logique "en phase avec celle de la déclinaison 
territoriale du plan Priorité jeunesse et (qui) doit s'y articuler", 
souligne-t-il. D'ailleurs, "les mises en œuvre de certaines actions 
confiées par appels d'offres nationaux devront inclure leurs 
déclinaisons territoriales", ajoute-t-il.

Au niveau national, le rapport Chérèque suggère de renforcer la 
représentation des collectivités dans le comité stratégique de l'ASC, 
étant entendu qu'elles sont amenées à participer davantage au 
financement du dispositif...

Aujourd'hui, 9% des 4.000 organismes agréés sont des collectivités 
territoriales. La ville de Paris, avec 186 volontaires en 2013, est la 
collectivité qui en recrute le plus, suivie du conseil général de 
Meurthe-et-Moselle (95), de la mairie de Bordeaux (49), de la ville de 
Lille (38), du conseil général de la Réunion (37), du conseil général du 
Bas-Rhin (36), du conseil général de l'Essonne (33), de la ville de 
Baie-Mahault (31) en Guadeloupe… Des chiffres évidemment sans commune 
mesure avec ceux de la Ligue de l'enseignement qui a accueilli 2.087 
volontaires en 2013, ou ceux de Unis Cités qui en a recruté 1.833, ou 
encore des 1.040 volontaires de l'Union nationale des missions locales.

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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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