[Infoligue] Associations : digérer la loi ESS, en attendant le "choc de clarification"

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 27 Oct 09:57:17 CET 2014


Associations : digérer la loi ESS, en attendant le "choc de clarification"

Publié par : http://www.localtis.info
Le : vendredi 24 octobre 2014

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Tenu le 22 octobre à Paris, le Forum national des associations et 
fondations a donné l'occasion à Patrick Kanner, ministre notamment en 
charge de la vie associative, de préciser ses orientations et son 
agenda. Soucieuses de la préservation des crédits qui leur sont dédiés, 
les associations sont en attente de simplification, mais surtout de 
clarification, jugée indispensable pour leur permettre de saisir les 
nouvelles possibilités introduites par la loi ESS.

"Je veux être le ministre de la reconnaissance et de la stabilisation du 
secteur associatif." Intervenant le 22 octobre au Forum national des 
associations et fondations, Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la 
Jeunesse et des Sports, a exposé sa conception de son propre rôle 
vis-à-vis des associations et apporté des précisions sur ses moyens et 
son agenda. L'ancien président du conseil général du Nord a considéré 
qu'il n'était pas le seul ministre en charge de la vie associative, mais 
que tous les ministres ainsi que tous les chefs d'exécutif locaux 
partageaient avec lui cette responsabilité. "Ma fonction", a-t-il 
expliqué, consiste à favoriser la "reconnaissance" du secteur, à 
"interpeller mes autres collègues". "Je ne me considère pas comme un 
guichet de financement, mais un fixeur de cap", a-t-il encore déclaré.
La défense de la "sanctuarisation des crédits" de la politique de la 
ville, de la jeunesse et de la vie associative devant les parlementaires 
(voir notre article ci-contre du 3 octobre 2014) n'en demeure pas moins 
l'une de ses priorités, a-t-il assuré aux responsables associatifs. 
Nadia Bellaoui, présidente du Mouvement associatif, venait de 
l'interpeler sur trois enjeux : le maintien des financements, la 
simplification de la réglementation - l'instauration d'une "culture 
nouvelle" dépourvue de "freins" - et la modernisation de la vie associative.
"Dans ma boîte à outils, je dispose de la garantie jeunes, du service 
civique, des emplois d'avenir", a énuméré un ministre confiant. "Nous 
sommes capables d'appuyer le secteur associatif". En outre, Patrick 
Kanner a rappelé que 50 millions d'euros, dont la moitié intégrée dans 
les programmes d'investissement d'avenir (PIA), étaient mobilisés pour 
le programme porté par le président de la République "la France 
s'engage", "un formidable outil de promotion et d'innovation de la 
France associative".


Les préfets chargés de faire vivre localement la loi ESS

Quant aux relations entre les pouvoirs publics et les associations, 
Patrick Kanner s'est dit très favorable au développement des contrats 
pluriannuels d'objectifs, qu'il a lui-même expérimentés dans le 
département du Nord et qu'il souhaite promouvoir dans ses domaines de 
compétence, et notamment à travers les contrats de ville (voir notre 
article du 17 octobre 2014), et auprès des autres ministères. La 
contractualisation permet selon lui de "se rencontrer pour savoir quel 
est le projet utile". Sur les appels à projets, le ministre est à 
l'inverse "très réservé" ; c'est "une façon de brider la créativité", 
a-t-il lancé, provoquant les applaudissements enthousiastes de 
l'assemblée de dirigeants associatifs.

Dans un entretien accordé au journal Le Monde le 22 octobre, Patrick 
Kanner a en outre déclaré qu'une circulaire serait adressée en 2015 aux 
préfets pour faire vivre localement la charte d'engagements réciproques 
signée le 14 février 2014 entre l'Etat, le mouvement associatif et les 
collectivités territoriales. "Il va être demandé aux préfets d'organiser 
le dialogue, de constituer le cadre de travail pour les associations et 
les pouvoirs publics, aux différents échelons, pour décliner la loi ESS 
[économie sociale et solidaire]", a-t-il précisé.


Deux décrets de la loi ESS et deux rapports sur les associations en novembre

La mise en œuvre de cette loi passera également par la publication de 
deux décrets fin novembre 2014. Le premier détaillera les modalités de 
mise en place des dispositifs locaux d'accompagnement (DLA), destinés à 
appuyer la création d'associations. Le second décret précisera le 
fonctionnement et la désignation des membres du Haut Conseil de la vie 
associative (HCVA), pour lequel la parité devra être respectée.
L'actualité nationale des associations sera riche en novembre, puisque 
deux rapports sont également attendus. L'un, qui devrait être rendu le 6 
novembre, rendra compte des conclusions d'un groupe de travail s'étant 
penché sur le statut de bénévole. Ce rapport devrait relancer notamment 
le mécénat de compétence et le congé d'engagement bénévole, pour 
permettre à davantage de salariés de consacrer une partie de leur temps 
de travail à un engagement associatif.

Très attendu, l'autre rapport doit servir de support à la mise en œuvre 
du "choc de simplification" au bénéfice des associations. Il faut 
"travailler sur tous les leviers de simplification à chaque étape de la 
vie d'une association - de sa création à son éventuelle dissolution, en 
passant par les demandes d'agrément, les procédures de reconnaissance 
d'utilité publique ou l'obtention de financements", avait souhaité Najat 
Vallaud-Belkacem en printemps dernier, au moment où le Premier ministre 
remettait au député PS Yves Blein sa lettre de mission. Cette dernière, 
datée du 23 mai, précisait que le gouvernement entendait légiférer par 
ordonnance, à la suite de la remise de ce rapport, pour adopter des 
mesures de simplification à destination des associations. Les 
conclusions devraient notamment faire le point sur l'expérimentation 
lancée le 14 février dernier par François Lamy, alors ministre de la 
Ville, sur la simplification des procédures permettant aux associations 
de bénéficier des aides de l'Acsé au titre de la politique de la ville 
(voir notre article du 17 février 2014).


Fusion entre associations et "groupe de l'ESS"

Si cette mission affichait une continuité avec les débats parlementaires 
sur le projet de loi ESS, pour lequel Yves Blein avait été le rapporteur 
à l'Assemblée nationale, c'est que l'adoption définitive du texte par le 
Parlement le 21 juillet dernier est loin d'avoir tout réglé.
C'était d'ailleurs le thème d'une conférence sur l'impact de la loi ESS 
sur les associations et les fondations, tenue le 22 octobre à l'occasion 
du Forum national des associations. Rappelant les deux objectifs 
initiaux de cette loi - définir l'ESS et donner les moyens à ces 
structures de se développer -, les intervenants ont identifié plusieurs 
difficultés susceptibles de freiner les évolutions souhaitées. Ainsi, si 
le cadre juridique de la fusion entre associations est désormais plus 
clair pour Dominique Lemaistre, directrice du mécénat à la Fondation de 
France, "la complexité est réelle et la loi n'aborde qu'une infime 
partie" du sujet, a estimé quant à lui Guillaume Jeu, responsable veille 
et prospective aux Apprentis d'Auteuil. Pour une structure du type de la 
Fondation d'Auteuil, composée d'entités diverses et encadrées par une 
quarantaine d'agréments différents, c'est la stabilisation juridique de 
la notion de "groupe de l'ESS" qui manque, dans la loi actuelle.


Innovation sociale : "déduire des possibilités plus concrètes" de la loi

Parmi les autres faiblesses repérées, la loi "ne traite pas des aspects 
fiscaux", ni "du monde du mécénat, pourtant très sollicité à l'origine 
du mouvement ESS", a déploré Dominique Lemaistre. Aujourd'hui, selon 
elle, les fonds de mécénat "ne savent plus ce qu'ils ont le droit de 
financer". Alors que la loi offre un nouveau cadre facilitateur pour les 
associations souhaitant développer une activité de fourniture de biens 
et de services, le risque est que les associations tentant de moins 
dépendre des finances publiques se voient réduire leur accès au don 
privé. "On doit pouvoir garantir du financement hybride", a insisté 
Dominique Lemaistre.

Pour Christèle Lafaye, experte-enseignante en ESS au Cluster éducation 
enseignement et recherche en ESS (Cleeress), la loi ESS "est un bon 
point de départ, mais c'est seulement un point de départ". En attendant 
la publication des quelque quarante décrets d'application, des 
structures telles que les Apprentis d'Auteuil tentent de "déduire des 
possibilités plus concrètes" des nouvelles perspectives ouvertes par la 
loi, témoigne Guillaume Jeu. La fondation réfléchit ainsi à un montage 
d'entreprise solidaire - en l'occurrence, un restaurant qui 
accueillerait des jeunes décrocheurs en contrat de professionnalisation 
- qui s'appuierait de façon majoritaire sur des capitaux privés. Les 
investisseurs acceptant de reverser l'ensemble des bénéfices au bon 
fonctionnement de ce projet d'intérêt général, qui impliquerait d'autres 
acteurs tels que la région et qui comporterait un volet "non-rentable" 
dédié à l'accompagnement des jeunes. Alors que les acteurs de l'ESS 
s'interrogent sur la notion d'innovation sociale, c'est le Conseil 
supérieur de l'ESS qui, in fine, précisera les critères définis par la 
loi et ouvrant droit aux financements de la Banque publique 
d'investissement.

Caroline Megglé

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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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