[Infoligue] Garder le cap face aux mutations du financement associatif
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 27 Oct 11:36:38 CET 2014
Garder le cap face aux mutations du financement associatif
Publié par : LE MONDE
Le : 20.10.2014
Par Hugues Sibille et Viviane Tchernonog
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Moins de ressources, davantage de missions et de responsabilité sociale
: telle est l’équation associative par temps de crise. Garder le cap du
projet associatif en diversifiant ses financements, en diminuant ses
charges, en rendant des comptes précis à ses financeurs : la tâche est
rude. Elle pose maintenant la question de l’efficacité des gouvernances
associatives. Quand la mer est agitée, la qualité du pilotage prime !
Si le secteur continue encore de créer des emplois (+ 0,8 % en 2013
selon l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale ou Acoss), la
situation reste difficile pour nombre d’associations. Deux
parlementaires enquêtent : Alain Bocquet (Nord, GDR) sur l’ampleur de
ces difficultés, et Yves Blein (Rhône, PS) sur les nécessaires
simplifications administratives.
En effet, la raréfaction des financements publics se poursuit. Les
associations doivent aussi affronter les changements de partenaires
publics ou de modalités de financement générant une explosion des
commandes publiques, auxquelles n’accèdent que les grandes associations
qui ont la taille et les compétences nécessaires.
Certes, la loi « Economie sociale et solidaire » (ESS), votée le 21
juillet 2014, donne une définition légale de la subvention, constituant
un début de sécurisation juridique. Cela suffira-t-il à modifier les
pratiques administratives de collectivités territoriales sous graves
contraintes financières ? Rien de moins certain. Sans oublier que ces
collectivités déportent leurs contraintes en notifiant tardivement les
subventions et en faisant traîner leur règlement. Les associations sans
fonds propres souffrent alors cruellement. Sans parler de la réforme
territoriale dans les tuyaux, quand on sait que les départements menacés
représentent 12 % du total des ressources.
Il faut faire face. Se remettre en cause. Innover. Deux pistes
interpellent les modes de pilotage associatifs. La première vise des
rapprochements entre associations en vue d’économies d’échelles. Or les
gouvernances sont réticentes aux rapprochements s’ils touchent
l’organisation interne. Les fusions ne se font qu’en cas de difficultés
extrêmes. Elles sont écartées par refus de voir disparaître des mandats
électifs ou par crainte de réduction d’effectifs. Il faut dire que
jusqu’ici les dispositions fiscales étaient peu favorables, en raison de
droits de mutation élevés. La loi ESS modifie la loi de 1901 et reprend
les règles de fusion des sociétés en les adaptant aux spécificités du
contrat associatif. Bonne nouvelle ! Mais elle ne produira pas d’effets
si les dirigeants associatifs n’en veulent pas.
UNE GÉNÉROSITÉ WEB 2.0
Une seconde piste est celle de l’innovation financière. La
diversification des ressources a jusqu’à présent surtout consisté à
accroître la participation des usagers. Mais les usagers à faible
revenus ne suivent pas et les inégalités territoriales s’accroissent.
Les associations cherchent d’autres financements et comptent sur
Internet et sur des partenariats privés pour desserrer l’étau. Quelques
exemples. Une générosité Web 2.0 émerge avec le crowdfunding.
Sept millions d’euros reçus par 3 000 associations constituent le bilan
prometteur de la plate-forme Hello Asso après un an. Autre exemple, la «
générosité embarquée » arrondit à l’euro supérieur les factures et
reverse la différence à des associations. Microdon le pratique en
partenariat avec Franprix. Citons aussi les innovations non monétaires
émanant d’entreprises, comme le mécénat de compétences ou les dons en
nature avec l’Agence du don en nature, qui a redistribué 30 millions
d’euros de produits depuis 2008.
L’« arrondi » de Microdon, en partenariat avec Franprix. Ici, à Paris,
en 2013.
Ces innovations doivent être impulsées par les conseils d’administration
(CA). Or une étude de la Conférence permanente des coordinations
associatives (CPCA) montre que les CA se concentrent sur le projet de
l’association mais que la recherche de financements n’arrive qu’en
avant-dernière position de leurs priorités. De même, dans les critères
pour devenir membre d’un CA, les connaissances en finances et gestion ou
les relations personnelles avec les financeurs ne figurent que dans les
toutes dernières réponses. Problème. D’autant plus sérieux que les
tendances actuelles comme la « venture philantropy » ou les titres à
impact social nécessiteront des gouvernances « costaudes » pour
dialoguer avec des financeurs plus exigeants sur les résultats.
DES GOUVERNANCES À AMÉLIORER
Il y a donc urgence à améliorer les gouvernances associatives. D’abord
en les renouvelant. Seulement 8 % des présidents ont moins de 35 ans,
contre 34 % de seniors, et seulement 34 % sont des femmes alors qu’elles
représentent deux tiers des salariés ; enfin, 15 % des présidents le
sont depuis plus de quinze ans. Le manque de candidats est la première
difficulté exprimée. Peut-être faudrait-il inscrire dans les statuts des
exigences de renouvellement ?
Mais la question de la gouvernance va bien plus loin que le
renouvellement des présidents. Elle porte sur le dispositif même de
direction et de mise en œuvre du projet associatif, pour tenir compte
des objectifs de parties prenantes de plus en plus nombreuses
(bénéficiaires, financeurs, donateurs, salariés) et rendre compte de
l’activité. Elle détermine également le rôle des différents organes (AG,
CA, bureau, direction…) et leurs relations entre eux : sujet majeur des
associations, avec en particulier la question de l’équilibre entre le
président et le directeur.
Le monde des entreprises investit en matière grise sur ces sujets, par
le biais notamment de l’Institut français des administrateurs (IFA). Le
monde associatif en est loin. Il faut accélérer en tenant compte de la
biodiversité associative. L’association citoyenne sans salariés et
l’établissement sanitaire de 2 000 salariés n’ont pas les mêmes enjeux
de pilotage. On pourrait commencer par accompagner les fédérations
associatives dans la conduite du changement, afin qu’elles-mêmes
améliorent leurs gouvernances et soient en mesure de conseiller leurs
adhérents sur ces sujets.
Hugues Sibille est président de l’Avise, conseiller du président du
Crédit coopératif,
Viviane Tchernonog est chercheuse au CNRS, centre d’économie de la Sorbonne.
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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