[Infoligue] La perte d’emplois aidés, une réelle menace pour les associations
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mer 18 Oct 07:38:28 CEST 2017
La perte d’emplois aidés, une réelle menace pour les associations
La perte d’emplois aidés peut être fatale aux associations. La plupart
n’auront d’autre choix que de supprimer des services . C’est aussi un
drame social, car ces emplois jouent un rôle majeur d’insertion pour
leurs bénéficiaires.
Publié par : LE MONDE
Le : 18.10.2017
Par Anne Rodier
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Le premier ministre Edouard Philippe a annoncé pour 2018 une forte
réduction du nombre d’emplois aidés. Ils étaient 460 000 en 2016, 320
000 en 2017, il y en aura « nettement moins » en 2018, a déclaré le chef
du gouvernement.
Or qu’il s’agisse d’emplois d’avenir (EA) ou de contrats uniques
d’insertion (CUI) – rebaptisés contrats d’accompagnement dans l’emploi
(CAE) – dans le secteur non marchand, plus du tiers sont signés dans le
secteur associatif. L’association Recherches et Solidarités recensait
110 168 emplois aidés fin 2015, dont les deux tiers (73 475) en CUI-CAE
et un tiers (36 693) en emplois d’avenir, dans son dernier bilan annuel.
D’un pur point de vue comptable, sur un effectif de 1,8 million de
salariés, le poids des emplois aidés (6 %) peut paraître trop léger pour
menacer le secteur associatif en tant que tel. D’autant que le moteur du
secteur fonctionne avec ses 13 millions de bénévoles. Mais il n’en est rien.
Un rôle vital pour l’organisation des associations
La suppression des emplois aidés peut être fatale aux associations dont
tout ou partie de l’équipe est constituée d’emplois aidés. Pour
plusieurs raisons : la première étant que, contrairement aux bénévoles,
ces salariés sont permanents. Ils apportent ainsi une régularité de
travail et une stabilité à l’association.
« C’est un coup dur porté à nos associations engagées au quotidien au
service des personnes démunies. »
La deuxième raison est que leur rôle est vital pour l’organisation. Les
banques alimentaires, par exemple, qui distribuent des repas à 2
millions de personnes en France, emploient 50 % de leurs salariés en
emploi aidé (6 070 bénévoles et 497 salariés, dont 256 en contrat aidé).
« Ces salariés accomplissent des missions essentielles à la continuité
de service qu’exige l’aide alimentaire. Ils sont formés et présents
tous les jours », explique le président de la Fédération française des
banques alimentaires, Jacques Bailet.
Ils sont secrétaire administrative de la banque alimentaire de la Marne
ou responsable d’entrepôt de la banque alimentaire de Tours, par
exemple. Dès le 1er septembre, le compte Twitter de l’association
relayait les premiers dysfonctionnements provoqués par le
non-renouvellement de contrats aidés. « Alors que le nombre de
bénéficiaires de l’aide alimentaire augmente, c’est un coup dur porté à
nos associations engagées au quotidien au service des personnes
démunies », alerte M. Bailet.
Les associations de toutes tailles sont concernées, les plus importantes
pour maintenir l’ensemble des services qu’elles apportent et les plus
petites pour pérenniser leurs activités, en particulier en phase de
démarrage. La perte des emplois aidés peut en effet être désastreuse
pour les jeunes associations. Recherches et Solidarité a montré que sur
les 7 % d’associations qui ont disparu entre 2014 et 2015, 90 % d’entre
elles avaient démarré parfois exclusivement avec des contrats aidés. Et
c’est parce qu’elles n’étaient pas parvenues à les pérenniser qu’elles
n’avaient pas survécu.
Avec la suppression des emplois aidés, « toutes ces associations sont
amenées à supprimer des services, à ne plus développer d’activités
innovantes, puis à repenser leur modèle économique », explique
Frédérique Pfrunder, directrice générale du Mouvement associatif, qui
fédère 600 000 associations.
C’est le cas de la Fédération nationale des anciens des missions
extérieures, Fname Opex, implantée à Lyon. Laurent Attar-Bayrou, le
président de Fname Opex, résume la situation:
« Depuis des années, l’Etat compte sur nous pour remplir des
missions d’accompagnement post-traumatiques, de retour des militaires à
la vie civile, des missions d’accompagnement des 350 000 familles de
ceux qui sont partis en opération extérieure et qui parfois n’en sont
pas revenus. Avec deux tiers de l’effectif en moins du jour au
lendemain, ça devient compliqué. »
L’association militaire comptait quatre contrats aidés jusqu’en août,
lorsque le conseiller Pôle emploi appliquant un arrêté préfectoral a
notifié à l’association le non-renouvellement de trois des quatre emplois.
« Seule la secrétaire bilingue chargée de l’international a été
maintenue. L’infographiste, une autre secrétaire et le comptable nous
ont quittés. La brutalité de la décision du gouvernement a empêché toute
transmission de compétences, précise-t-il. Certaines fonctions ont été
reportées sur des bénévoles, mais on a perdu en compétences – la
comptable venait d’être formée – et des missions devraient être
supprimées, comme l’envoi de colis pour améliorer l’ordinaire des
militaires en opération. L’association n’est pas menacée dans son
existence, mais elle ne peut plus remplir son rôle. »
Une perte en cohésion sociale pour l’ensemble de la société
Les associations de deux grands secteurs sont particulièrement touchées
par la réduction du nombre d’emplois aidés : le sport et l’animation qui
comptent plus de 27 000 contrats aidés ; et le secteur médico-social,
qui en compte 21 000, dont 15 % dans la petite enfance, selon la
délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP).
Créés pour remettre au travail les personnes éloignées de l’emploi, les
emplois aidés jouent un rôle d’insertion.
C’est une perte en cohésion sociale pour l’ensemble de la société, à
commencer par les bénéficiaires de ces contrats. Créés pour remettre au
travail les personnes éloignées de l’emploi, ils jouent en effet d’abord
un rôle d’insertion. Les six premiers mois, les bénéficiaires d’un
emploi aidé reprennent confiance en eux. Ils « gagnent en qualification,
c’est une sorte de préinsertion », décrit Philippe Jahshan, le président
du Mouvement associatif.
Après six mois, l’association employeur est d’ailleurs tenue d’informer
Pôle emploi des nouvelles compétences acquises. En parallèle,
progressivement, les bénéficiaires de contrats aidés se désendettent.
Enfin, au bout de dix-huit mois, ils commencent à se projeter dans
l’avenir. « Si l’on évalue les emplois aidés que sous le seul angle de
la réduction du taux de chômage, on passe à côté de leur impact sur
l’insertion », remarque M. Jahshan. Des associations avaient même mis
sur pied une articulation entre les dispositifs d’emplois aidés et ceux
de validation des acquis de l’expérience (VAE), pour consolider cette
insertion.
En 2014, l’association Envol, qui a développé un réseau de crèches dans
la région de Toulouse, a ainsi monté un dispositif qui a amené 12
salariés, recrutés en emploi d’avenir, au jury 2017 de la VAE pour le
diplôme d’auxiliaire d’Etat de puériculture, un métier où l’offre
d’emploi est importante.
« En interne, on a formé des salariés de l’association à évaluer les
compétences exigées pour le métier d’auxiliaire de puériculture, et ils
ont été chargés de les accompagner. Puis les salariés en emplois
d’avenir ont été envoyés à l’Institut de formation, recherche,
animation, sanitaire et social (Ifrass) pour préparer en 240 heures de
formation leur passage devant le jury de la VAE », explique Sébastien
Mathieu, directeur général de l’association Envol.
Et, craignant la coutumière réduction des aides aux associations après
l’élection présidentielle, ils avaient créé un nouveau groupe de recrues
en emploi d’avenir (contrats qui sont accordés pour une durée de 12 à 36
mois), juste avant que le dispositif ne soit mis entre parenthèses par
le gouvernement. Bien leur en a pris, car leurs projets auraient dès
2018 été réduite à néant par le non-renouvellement des emplois aidés.
En savoir plus sur
http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/10/18/la-perte-d-emplois-aides-une-reelle-menace-pour-les-associations_5202383_3234.html#doYC9fubfObI2Ssm.99
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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