[Infoligue] Les activités périscolaires, sacrifiées par le retour aux quatre jours d’école

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 4 Sep 11:13:50 CEST 2017


Les activités périscolaires, sacrifiées par le retour aux quatre jours 
d’école

Ces trois heures d’activités hebdomadaires devaient permettre « 
d’élargir l’horizon des enfants ». Trois ans après leur mise en place, 
elles restent pourtant souvent une gageure.

Publié par : LE MONDE
Le : 04.09.2017
Par Charlotte Chabas

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A la première réunion de la rentrée scolaire, en 2014, Isabelle H. 
reconnaît avoir « poussé un soupir un peu fort » au milieu des autres 
parents d’élèves. Un nouveau sigle – « comme si on en manquait à l’école 
», ironise cette mère de deux enfants – faisait son apparition dans sa 
famille et son organisation quotidienne : les NAP ou nouvelles activités 
périscolaires.

Trois ans plus tard, « plutôt faire une grève de la faim que de les voir 
supprimer », prévient cette infirmière de 42 ans, à l’heure où, 
pourtant, un tiers des communes françaises ont décidé de repasser à un 
rythme de quatre jours d’école par semaine. Et renoncer, de fait, à ces 
trois heures d’activités hebdomadaires.

« Un peu plus loin que le bout de leur nez »

C’est que dans sa commune de Billère (Pyrénées-Atlantique), 14 000 
habitants, « c’est vite devenu une priorité, un choix politique », 
explique Jacques Cabanes, conseiller municipal (divers gauche). 
Instaurées par la réforme des rythmes scolaires, qui répartit les 
vingt-quatre heures d’enseignement hebdomadaires sur neuf demi-journées, 
ces activités périscolaires devaient permettre aux communes volontaires 
de proposer un temps privilégié pour développer d’autres types 
d’apprentissage à l’école. « Pour nous, c’était évident qu’il fallait 
les utiliser pour élargir l’horizon des enfants », note Jacques Cabanes.

L’équipe pédagogique décide d’en faire un espace « citoyen et solidaire 
», à travers un partenariat avec la ville de M’Baïk, en Centrafrique. 
Animateurs et associations déclinent pendant ces heures des ateliers 
liés à ce pays, à son histoire, mais aussi à « des thèmes comme la paix, 
le bien vivre ensemble, la citoyenneté, l’interculturalité », sous forme 
de textes, de vidéos, d’ateliers créatifs, etc.

« Aujourd’hui, j’ai l’impression que mes enfants voient un peu plus loin 
que le bout de leur nez », reprend Isabelle. Sur la table à manger 
familiale, du bœuf aux gombos a fait son apparition, du tissu wax est 
calé sous le pied de la machine à coudre et « ma cadette pose plein de 
questions sur le racisme ». « C’est exactement ce que j’attends du 
système scolaire : ouvrir des perspectives qu’une famille seule ne peut 
pas forcément faire », résume celle qui reconnaît que les NAP l’ont fait 
basculer en faveur de la réforme des rythmes scolaires.

Casse-tête budgétaire

A l’unisson, Esther M. dresse une liste qu’elle a bien du mal à conclure 
: slackline (une sorte de funambulisme extrême), compositions florales, 
échecs, chantournage sur bois… « Je n’aurais jamais les moyens d’offrir 
à mes enfants la possibilité de s’essayer à autant d’activités 
différentes », reconnaît cette mère de famille qui vit à Désaignes en 
Ardèche. Dans cette commune de plus de 1 000 habitants, où « tout semble 
si loin », c’est un vrai tour de force qui « a créé beaucoup de bonheur 
et de curiosité chez les enfants », témoigne cette mère. D’autant que la 
municipalité avait fait le choix de rendre ces activités gratuites – une 
décision laissée au bon vouloir des communes. Mais « il faut en parler 
au passé », déplore Esther. Comme beaucoup de petites communes, 
Désaignes a choisi de repasser à quatre jours d’école.

Avec la baisse des dotations publiques et la menace qui plane désormais 
sur les contrats aidés, l’équation s’avérait souvent beaucoup trop 
complexe pour les budgets des municipalités. Selon l’enquête de 
l’association des maires de France (AMF) menée en 2016, 70 % des 
collectivités rencontrent des « difficultés persistantes » dans la mise 
en œuvre des 4,5 jours.

Parents pauvres d’une réforme des rythmes scolaires mise en place à 
marche forcée, les NAP ont été instaurées de manière disparate sur le 
territoire. Souvent jugées trop chères et trop complexes à encadrer, 
beaucoup de collectivités ont choisi de les organiser a minima. Une 
situation d’autant plus problématique pour les petites écoles où il faut 
procéder à un regroupement de communes – les transports y sont un coût 
supplémentaire, et attirer des animateurs compétents, une gageure.

Comme la plupart des villages ruraux de l’Eure, il n’y avait aucune 
activité périscolaire dans la commune de François Lajonc, 47 ans, père 
de trois enfants. Sa famille devait « payer 2 euros par semaine et par 
enfant pour une sorte de grande récréation avec encadrement minimal », 
raconte celui qui dénonce une « réforme qui a encore creusé les 
inégalités entre communes urbaines et riches et communes pauvres et 
rurales ».

« Petits contrats précaires »

Car la question de l’encadrement de ces activités, mises en place dans 
la précipitation, s’est avérée le principal casse-tête des mairies. A 
Lamarque, dans le Médoc, deux petits contrats de quelques heures 
hebdomadaires ont été signés pour encadrer une activité de dessin et 
d’expression corporelle. Le reste – jeux de société et activités à 
l’extérieur aux beaux jours –, c’est Marie-France qui s’est portée 
volontaire pour l’animer bénévolement. Mais à 70 ans, elle reconnaît 
qu’elle « manquait d’énergie pour les matchs de foot ».

Même pour les municipalités ayant suffisamment de budget pour embaucher 
des animateurs, la situation a souvent été complexe. « La première 
année, on a réussi à attirer des professionnels », raconte un directeur 
d’école primaire d’un village des Bouches-du-Rhône, mais « ce n’était 
que des petits contrats précaires de quelques heures, payées au 
lance-pierre, donc ils s’en sont vite détournés ».

A la place, des « mères de famille rarement qualifiées, venues pour 
animer un atelier lecture ou dessin ». Beaucoup de parents d’élèves, 
déplorant la « pauvreté éducative dans une cohue permanente », avaient 
fini par retirer leurs enfants des NAP, regrette le directeur. Une 
situation « très éloignée de l’esprit de la réforme », reconnaît celui 
qui préfère garder l’anonymat pour « éviter un conflit ouvert avec la 
mairie » et déplore « une confiance brisée avec les familles ».

En termes d’emplois, les NAP n’ont pas été l’eldorado un temps promis. 
Pour Denis, professeur d’échecs, ces activités périscolaires 
représentaient 20 % de son activité, aujourd’hui « menacée ». Comme lui, 
ils étaient nombreux à compter sur ce « complément de revenus bienvenu 
dans un paysage associatif et culturel toujours plus bouché ».

Difficile pourtant de savoir combien d’emplois sont concernés, tant les 
NAP sont assurés par des profils variés : vacataires, agents 
territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), 
auto-entrepreneurs, intermittents du spectacle, etc. Le Conseil national 
des employeurs d’avenir (CNEA), syndicat d’employeurs dans le champ de 
la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport, estime ainsi que « 30 
à 35 000 emplois pourraient être touchés », sans pouvoir préciser 
l’ampleur de cet impact, alors que des villes comme Nice, Toulon ou 
Calais ont choisi le retour aux quatre jours.

95 % de satisfaction des enfants

Faut-il pour autant abandonner complètement ces dispositifs au motif 
qu’ils ne peuvent être appliqués uniformément sur le territoire ?. « 
Dans un débat public confisqué par les politiciens, les mairies, les 
enseignants, les parents d’élèves, les médias, on en a oublié d’y voir 
l’intérêt de l’enfant », rappelle Gaëlle Espinosa, autrice avec Benoît 
Dejaiffe de deux rapports d’évaluation sur les nouvelles activités 
périscolaires à Nancy (Lorraine) et Bar-le-Duc (Meuse).

Chercheuse au laboratoire interuniversitaire de sciences de l’éducation 
de l’université de Lorraine, Gaëlle Espinosa a interrogé les élèves de 
ces écoles primaires pour en tirer leur point de vue sur ces TAP. « Ce 
qui est ressorti, c’est une satisfaction importante des enfants par 
rapport à ces activités », résume la chercheuse. Une observation 
réalisée aussi par le rapport sur la mise en place des projets éducatifs 
territoriaux (PEDT), qui, en 2016, affirmait que 95 % des enfants se 
disaient « heureux » de ces « nouveaux espaces éducatifs entre l’école 
et la famille, qui permettent l’échange, la collaboration, la 
découverte, l’expérimentation et le jeu ».

Mais comment affirmer une « réussite éducative » avec seulement trois 
années de recul et une telle disparité entre les territoires ? « Le 
débat se cristallise sur de faux arguments, comme la fatigue des 
enfants, reprend Gaëlle Espinosa. Pourtant, quand on prend le temps de 
les écouter, ils nous expliquent que cette fatigue s’explique par des 
couchers tardifs et une organisation familiale difficile, pas par des 
heures d’activités où ils s’amusent et interagissent. »

« Un pas vers l’égalité des chances »

Dans les conclusions de leur rapport sur les activités périscolaires de 
Nancy – « une ville qui a des moyens », souligne Gaëlle Espinosa –, les 
chercheurs mettent notamment en lumière les bienfaits de ces activités 
dans les écoles « défavorisées », notamment pour aider l’enfant à « la 
prise de conscience de ce qu’il fait et de ce qu’il apprend ». La 
chercheuse déplore ainsi « l’abandon d’une réforme qui faisait un pas 
vers l’égalité des chances ».

Un constat partagé par Hamza Afar, mère de deux enfants à Bagnolet 
(Seine-Saint-Denis). Si cette vendeuse de 32 ans reconnaît que « toutes 
les activités n’étaient pas forcément bien menées », elle rappelle que « 
le périscolaire est d’autant plus nécessaire dans les quartiers 
difficiles comme chez nous ». Dans sa commune, pourtant socialiste, la 
mairie a choisi le retour à quatre jours. Hamza le sait, elle aura les 
moyens d’inscrire ses garçons dans des clubs sportifs et culturels. « 
Mais les autres zoneront chez eux ou dans la rue, aux associations de 
quartier dans le meilleur des cas », résume celle qui aurait aimé « 
qu’on donne une chance à cette réforme, autant qu’à ces enfants ».


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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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