[Infoligue] Faute de réserve parlementaire, des députés LRM se tournent vers des entreprises pour aider les associations

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 5 Mar 07:21:51 CET 2018


Faute de réserve parlementaire, des députés LRM se tournent vers des 
entreprises pour aider les associations

Plusieurs députés s’activent pour mettre en lien des sociétés privées et 
des projets associatifs. Une pratique qui questionne les ONG anticorruption.

Publié par : LE MONDE
Le : 05.03.2018
Par Manon Rescan

***********************

Le deuil de la réserve parlementaire se révèle plus difficile à faire 
que ce que les députés de La République en marche (LRM) imaginaient. A 
peine élue, la majorité avait voté la suppression de cette enveloppe de 
130 000 euros en moyenne qu’ils distribuaient chaque année à leur guise 
sur leur territoire. Une pratique qui, malgré les obligations de 
transparence récemment introduites, alimentait les soupçons de 
clientélisme. Localement, cette nouvelle donne n’est pas sans 
conséquences. « Un certain nombre d’associations qui avaient besoin de 
cet argent se trouvent dans une situation compliquée » a constaté, comme 
ses collègues, Bruno Bonnell, député LRM de Villeurbanne (Rhône).

Privés de leur ancien levier d’action pour les aider, certains députés 
cherchent de nouvelles solutions. Faute d’argent public, ils se tournent 
désormais vers les entreprises. M. Bonnell vient de déposer en 
préfecture les statuts de Cœur Villeurbanne. Cette association sera le 
support d’une plateforme en ligne qu’il a imaginée pour mettre en lien 
des sociétés privées et des projets en mal de financement. L’objectif 
est de s’appuyer sur le mécénat d’entreprise pour, d’une part, faire une 
levée de fonds afin d’aider ces projets, d’autre part proposer la mise à 
disposition de services, comme des locaux ou des compétences, par les 
entreprises aux associations.

« Il ne faudrait pas que ces plateformes reproduisent les griefs qu’on 
pouvait formuler à l’encontre de la réserve parlementaire »
Elsa Foucraut, Transparency international France

Son idée a séduit d’autres parlementaires. En Haute-Vienne, le député 
LRM Jean-Baptiste Djebbari réfléchit à un dispositif similaire et M. 
Bonnell dit avoir transmis les statuts de son association à « quatre ou 
cinq » collègues. Les élus y voient une double vertu. « Cela permet de 
créer une dynamique de territoire en créant des liens entre entreprises 
et associations », détaille M. Djebbari. Bruno Bonnell y voit lui un 
moyen de « sortir de la subventionite » en offrant aux associations 
d’autres moyens de se développer qu’en ayant recours à de l’argent public.

Les ONG de lutte contre la corruption sont elles bien plus réservées. « 
Il ne faudrait pas que ces plateformes reproduisent les griefs qu’on 
pouvait formuler à l’encontre de la réserve parlementaire » observe Elsa 
Foucraut de Transparency international France. Le député, en se plaçant 
au centre du dispositif, demeure en effet pourvoyeur de services sur sa 
circonscription. « C’est un peu moins choquant que la réserve parce que 
ce n’est pas de l’argent public mais ça ressemble à du clientélisme », 
note également Jean-Christophe Picard, président d’Anticor. Il souligne 
un autre risque : celui des « retours d’ascenseur » attendus par les 
investisseurs. « L’élu se transforme en obligé de tous ceux qui vont 
l’aider à trouver des fonds » s’inquiète-t-il.

Volonté d’agir localement

Les députés concernés s’en défendent. « A terme, on a vocation à 
disparaître du dispositif » promet Bruno Bonnell, qui assure qu’il ne 
prendra pas part à l’attribution des fonds collectés. Reste 
qu’aujourd’hui, Cœur Villeurbanne est présidée par sa suppléante et 
l’association est domiciliée au même endroit que sa permanence. En 
outre, son entourage « prospecte », ce sont ses mots, auprès 
d’associations et d’entreprises pour leur proposer d’adhérer au projet. 
« On se sert conjoncturellement de ma visibilité pour réunir les gens, 
moi je n’agis à aucun niveau » se défend M. Bonnell. « Le député est 
juste celui qui met les personnes autour de la table » abonde M. 
Djebbari, dont le projet « Action Limousin » pourrait être lancé par un 
financement participatif. « La différence avec la réserve parlementaire, 
c’est que cette dernière était une caisse dont le député décidait seul 
de l’attribution, ce ne sera pas le cas », poursuit-il. Le député de la 
Haute-Vienne voit également dans le dispositif une manière de répondre 
aux relations d’interdépendance, aux mêmes risques clientélistes, entre 
collectivités et associations, voire entre collectivités elles-mêmes.

Les élus balaient tout risque de conflit d’intérêt avec les entreprises 
impliquées. « Ce n’est pas mon genre, je ne suis redevable de rien du 
tout » jure Bruno Bonnell. « Il faut faire attention, mais c’est le bon 
sens et la responsabilité de chacun de savoir s’en prémunir » explique 
encore Jean-Baptiste Djebbari qui déclare s’en référer à la déontologue 
de l’Assemblée nationale en cas de doute. Contactée à ce sujet, Agnès 
Roblot-Troizier, qui occupe cette fonction, n’a pas souhaité nous 
répondre, arguant qu’elle ne pouvait être saisie que par les parlementaires.

« Utiliser son réseau pour aider des associations, ce n’est pas illégal, 
mais est-ce bien la fonction du député ? », souligne par ailleurs 
Jean-Christophe Picard, d’Anticor. « Le rôle du parlementaire est avant 
tout de voter la loi et de contrôler l’action du gouvernement », 
rappelle Elsa Foucraut, de Transparency international, le texte de la 
Constitution à l’appui. Malgré la fin du cumul des mandats et de la 
réserve parlementaire, comme leurs prédécesseurs, les députés LRM sont 
rattrapés par la volonté d’agir localement, même s’ils sont 
officiellement des « élus de la nation ». « C’est un déchirement 
permanent », relate Bruno Bonnell. « Si on dit que notre travail est 
uniquement à Paris, en circonscription on nous rappelle que l’on a été 
élus par les gens d’ici ». « Ce rôle de facilitateur de l’action du 
territoire, c’est un mandat moral du député, on a intérêt à ce que le 
territoire soit dynamique », ajoute Jean-Baptiste Djebbari.

« Administrer des acteurs locaux, ce n’est pas notre rôle, mais peser 
politiquement pour soutenir des dossiers locaux, on le fait déjà, 
pourquoi est-ce qu’on ne pourrait pas encourager certains projets en 
utilisant nos réseaux ? » questionne encore le député LRM des 
Hauts-de-Seine Gabriel Attal. Dans son esprit mûrit une autre idée, sans 
passer par l’entreprise : organiser un financement participatif 
(crowdfunding) de projets locaux, avec la participation d’un jury citoyen.

En savoir plus sur 
http://www.lemonde.fr/politique/article/2018/03/05/faute-de-reserve-parlementaire-des-deputes-lrm-se-tournent-vers-des-entreprises-pour-aider-les-associations_5265676_823448.html#3WDDf8ICtPljX1Qc.99

-- 

-----------------------
Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
-----------------------
Nos sites :
http://www.laligue-alpesdusud.org
http://www.laligue-alpesdusud.org/associatifs_leblog
-----------------------





Plus d'informations sur la liste de diffusion Infoligue