[Infoligue] Muriel Pénicaud dévoile son plan pour la formation professionnelle
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 5 Mar 11:46:54 CET 2018
Muriel Pénicaud dévoile son plan pour la formation professionnelle
Le dispositif va connaître des changements de grande ampleur, dont
plusieurs déplaisent aux partenaires sociaux.
Publié par : LE MONDE
Le : 05.03.2018
Par Sarah Belouezzane et Bertrand Bissuel
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Muriel Pénicaud avait promis un « big bang » de la formation
professionnelle. Formule un tout petit peu exagérée car les mesures
dévoilées lundi 5 mars par la ministre du travail ne constituent pas un
moment fondateur. Mais elles vont incontestablement entraîner des
changements de très grande ampleur dans un système critiqué, depuis des
lustres, pour son manque de transparence, sa complexité et son caractère
inégalitaire.
Tout ou presque est passé à la paille de fer : la gouvernance, dans
laquelle le patronat et les syndicats occupent une position cardinale,
est remise à plat pour accorder à l’Etat un droit de regard plus
important ; les contrôles sont très renforcés et les circuits de
financement entièrement remaniés ; enfin, l’accès aux dispositifs se
veut plus simple, plus direct, afin d’inciter les actifs à prendre en
main leur destin dans le monde du travail.
Parmi ces annonces, dont les grandes lignes étaient connues, plusieurs
déplaisent aux partenaires sociaux, notamment parce qu’elles les
relèguent, selon eux, à un rôle subalterne. Après avoir privilégié – à
ce stade – la conciliation dans le dossier de l’assurance-chômage (Le
Monde du 3 mars), l’exécutif semble, cette fois-ci, décidé à aller au
bout de ses intentions, quitte à brusquer les organisations d’employeurs
et de salariés. « Je dis au gouvernement : “Attention à ce que vous
allez faire” », a lancé, samedi, le secrétaire général de la CFDT,
Laurent Berger, sur France Inter. « Il nous paraît délicat de vouloir à
nouveau tout changer sans concertation », estime, pour sa part, le
président du Medef, Pierre Gattaz, dans une tribune publiée par Le
Journal du dimanche du 4 mars.
L’un des points-clés évoqués lundi par Mme Pénicaud porte sur
l’évolution du compte personnel de formation (CPF). Entré en vigueur
début 2015, ce dispositif suit chaque actif tout au long de sa vie
professionnelle. A l’heure actuelle, il donne droit à un crédit
d’heures, appelé à s’accroître au fil des ans. Pour l’utiliser, il faut
passer par un intermédiaire et sélectionner une formation qui figure sur
une liste.
« Relation directe »
Dans le cadre de l’accord national interprofessionnel (ANI), qu’ils ont
finalisé le 22 février, le patronat et les syndicats ont augmenté le
nombre d’heures inscrit dans le CPF et supprimé la liste des actions de
formation qui peuvent être suivies grâce à ce dispositif. Des
dispositions reprises par la ministre du travail, mais celle-ci va
encore plus loin puisque l’unité de mesure du compte est monétisée – ce
dont ne voulaient pas les partenaires sociaux : désormais, les
titulaires d’un CPF auront 500 euros par an, dans une limite de 5 000
euros cumulés. Pour les personnes peu ou pas qualifiées, le pécule sera
plus élevé (800 euros par an, avec une somme maximale fixée à 8 000
euros). Les travailleurs à temps partiel auront, eux, les mêmes droits
que les salariés à temps plein, à partir d’un mi-temps.
L’autre grande nouveauté, s’agissant du CPF, réside dans le fait que cet
outil pourra être mobilisé à l’initiative de la personne, par le biais
de son téléphone portable ou de son ordinateur (grâce à une application
numérique). Dans ce schéma, il n’y a plus aucun intermédiaire : l’idée
est d’instaurer « une relation directe entre le salarié et l’organisme
de formation », avance-t-on dans l’entourage de Mme Pénicaud. Ce « CPF
2.0 » sera assorti d’une sorte de « trip advisor » (célèbre site de
notation des hôtels et des séjours de vacances) appliqué au monde de la
formation professionnelle.
Un programme qui recensera les formations disponibles, avec leurs prix
et des commentaires ou appréciations postés par ceux qui en ont déjà
bénéficié. Sera également mentionné le taux d’insertion dans l’emploi. «
Si la formation continue ne marche pas aujourd’hui, c’est parce qu’elle
est compliquée, argumente-t-on au ministère du travail. C’est
décourageant. Notre volonté est de rendre le système accessible à tous,
en le simplifiant, pour que chacun d’entre nous se sente responsable de
son avenir professionnel. Nous voulons permettre aux personnes d’évoluer
dans leur métier, d’en changer, de se reconvertir. » Cette
individualisation des droits à la formation était déjà à l’œuvre, mais
le gouvernement pousse la logique encore plus loin.
Une « agence de régulation »
Pour aider les actifs à prendre des décisions éclairées, l’exécutif
retient une autre mesure préconisée par les partenaires sociaux dans
leur accord du 22 février : celle consistant à muscler le conseil en
orientation professionnelle (CEP), un dispositif qui existe déjà mais à
une petite échelle. Mme Pénicaud souhaite le développer, tout comme les
organisations d’employeurs et de salariés, en y consacrant des
financements supplémentaires.
En dehors du CPF, les transformations les plus notables dévoilées lundi
portent sur la tuyauterie par laquelle transite l’argent de la formation
continue. A l’heure actuelle, ce sont les organismes paritaires
collecteurs agréés (OPCA) qui recueillent les fonds. Demain, cette
mission sera confiée au réseau des Urssaf. Parallèlement, les OPCA, qui
sont cogérés par les syndicats et le patronat, se voient confier de
nouvelles attributions.
Autre bouleversement majeur : la création d’une « agence de régulation
», qui s’appellera France compétences. Elle devra notamment veiller à la
qualité des formations et aux prix pratiqués. Cette instance, qui
devrait avoir le statut d’établissement public, en remplacera trois,
dans lesquelles les partenaires sociaux détiennent des prérogatives
importantes. Elle sera composée de trois collèges : Etat, partenaires
sociaux, régions.
« Tout le monde, aujourd’hui, partage l’idée qu’il est nécessaire
d’améliorer l’efficacité de la formation professionnelle, commente Alain
Griset, président de l’Union des entreprises de proximité (artisanat,
commerces, professions libérales). Or il y a des questions qui s’avèrent
plus compliquées à trancher entre partenaires sociaux. Le gouvernement a
donc bien fait de s’en saisir. »
Mais la position des autres leaders patronaux et syndicaux est nettement
plus critique. Les annonces de Mme Pénicaud signent « tout simplement la
mort du paritarisme interprofessionnel », tranche, lapidaire, un haut
gradé d’une centrale syndicale. « Si les instances de gouvernance
actuelle sont fusionnées et si on ne sait pas ce qu’elles deviennent, ça
devient compliqué », ajoute-t-il. Jean-François Foucard (CFE-CGC)
trouve, lui aussi, qu’une telle réorganisation est synonyme de « reprise
en main étatique ». « C’est dans la philosophie qu’Emmanuel Macron avait
affichée durant sa campagne », observe-t-il.
Indépendamment du pilotage du système, certaines mesures pourraient
porter préjudice aux salariés. « La monétisation du CPF donne droit à
une formation low cost », se désole Yvan Ricordeau (CFDT). Pour lui, la
disparité entre les coûts des formations sur le territoire va créer des
inégalités entre les salariés. « Nous sommes inquiets face à
l’individualisation de la formation continue, confie, pour sa part,
Catherine Perret (CGT). Chacun devra être responsable du maintien de ses
compétences alors que ce sont les employeurs qui devraient se montrer
plus solidaires, notamment pour favoriser la formation des salariés des
petites et moyennes entreprises. »
Cette réforme constitue l’un des trois volets d’un chantier plus global
sur la sécurisation des parcours des actifs, les deux autres portant sur
l’assurance-chômage et sur l’apprentissage. Ils feront l’objet d’un
projet de loi présenté en conseil des ministres à la mi-avril et soumis
au Parlement d’ici l’été. « Il va falloir surveiller les derniers
arbitrages, affirme un responsable syndical. Nous essaierons de peser
lorsque le projet de loi passera à l’Assemblée nationale. » Autrement
dit, le climat social n’est pas près de revenir au beau fixe.
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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