[Laicite-info] La République ne doit pas financer les cultes religieux
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Ven 27 Jan 17:19:38 CET 2012
La République ne doit pas financer les cultes religieux
Point de vue
Publié par : LEMONDE
Le : 26.01.12
par Henri Pena-Ruiz, philosophe, écrivain, professeur, membre du Parti
de gauche
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Après cinq ans de laïcité piétinée par Nicolas Sarkozy et caricaturée
par Marine Le Pen, deux candidats à la présidentielle réaffirment les
principes laïques : Jean-Luc Mélenchon et François Hollande. Excellente
nouvelle. Initiateur du projet de loi-cadre du Parti de gauche destiné à
refonder la laïcité dans notre pays, déposé au Sénat en juin 2011,
Jean-Luc Mélenchon a pris date. Il rappelle que les principes de liberté
et d'égalité de la République doivent valoir pour tous, croyants, athées
et agnostiques. Il reprend à son compte la grande idée de Jaurès qui
solidarise laïcité et justice sociale en soulignant que la suppression
du financement public des cultes permet de mieux consacrer l'argent
public à l'intérêt général.
Y compris en Alsace-Moselle, où le concordat napoléonien, survivance
anachronique, oblige les contribuables athées à payer les salaires des
prêtres par le truchement de l'impôt. L'indivisibilité de la République
et la simple justice appellent l'abrogation de ce concordat et de toutes
les dispositions qui ont bafoué la laïcité. Le projet laïque ainsi
affirmé est clair et net.
François Hollande souhaite inscrire dans la Constitution les deux
principes de la Loi de 1905. Il leur confère ainsi la plus haute place
dans la hiérarchie des normes. Les deux premiers articles sont
d'ailleurs indissociables. Liberté pour le premier, Egalité pour le
second. L'article premier stipule : "La République assure la liberté de
conscience et garantit le libre exercice des cultes.""Garantit" ne veut
pas dire "finance". Et la liberté de conscience ne se réduit pas à la
"liberté religieuse".
C'est aussi la liberté athée ou agnostique. François Hollande a raison
de vouloir consolider la laïcité. Les élus socialistes peuvent
d'ailleurs l'y aider en appliquant les principes ainsi réaffirmés. Hélas
! ils ne le font pas toujours. Si bien que la laïcité souffre d'un
double mal : attaquée avec vigueur par Nicolas Sarkozy et ses ennemis
traditionnels, elle est souvent trahie par ses amis supposés.
Le gouvernement, quant à lui, n'a pas craint de rallumer la guerre
scolaire en favorisant l'école privée, alors qu'il asphyxiait l'école
publique par la suppression de dizaines de milliers de postes. M.
Sarkozy n'a pas hésité à faire officiellement une discrimination entre
croyants et athées ("La République a besoin de croyants". Discours du
Latran). Peut-être a-t-il voulu par ce privilège public donner un
supplément d'âme au monde sans âme qu'il fait advenir par sa politique
antisociale. Pratiqué par la droite, le couplage entre le libéralisme au
profit de la haute finance et la charité substituée à la justice sociale
n'a que trop duré.
Il faut mettre un terme aux arguties juridiques comme celles des
derniers avis du Conseil d'Etat qui invoque à mauvais escient la notion
d'"intérêt public local" et brouille la distinction entre cultuel et
culturel afin de rétablir des privilèges financiers pour les religions.
Quand l'Institut des cultures de l'islam, financé avec l'argent des
contribuables parisiens, fait des soirées "culturelles" en initiant au
ramadan, n'y a-t-il pas un mélange des genres suspect entre le culturel
et le cultuel ? Quant au financement public de crèches confessionnelles
loubavitch (courant juif ultraorthodoxe), également avec l'argent des
contribuables parisiens, est-il acceptable ?
N'est-il pas temps par ailleurs d'abroger l'amendement pétainiste de
1942, qui permet de financer des lieux de culte sur fonds publics ?
Quant à la loi Debré de 1959, qui détourne l'argent public vers des
écoles privées pour l'essentiel religieuses, elle ne saurait sans
trahison être consacrée définitivement, alors que l'école publique
connaît la misère que l'on sait. Pour l'heure, le minimum serait que les
élus des collectivités publiques s'engagent à ne pas dépasser les
montants de subventions légaux, comme hélas cela se fait trop souvent.
L'argent public à l'école publique.
Des élus habitués à pratiquer le clientélisme électoral vont craindre
pour leur siège. Ils ont tort. L'honneur de la politique, c'est de
mettre en oeuvre les principes auxquels on croit. Est-il si difficile
d'expliquer aux électeurs croyants que la liberté et l'égalité des
citoyens excluent tout privilège public des religions, et que la
fraternité républicaine implique la dévolution aux services communs à
tous des impôts payés par tous ? Le courage politique l'impose.
La République n'a donc pas à financer les cultes, ni les écoles privées,
ni les manifestations religieuses. Elle n'a pas non plus à modifier le
calendrier en faveur des seules religions. Eva Joly ignore-t-elle que
l'égalité républicaine ne se réduit pas à celle des convictions
religieuses ? La religion dotée d'un privilège public et l'humanisme
athée confiné dans la sphère privée, cela s'appelle une discrimination.
La santé, l'instruction, la culture sont des biens universels, que la
République sociale se doit de promouvoir, dans l'intérêt des plus
modestes. Si un croyant a besoin de soins quand il est malade, un grand
service public de santé lui permettra de les recevoir gratuitement. Il
en va de même pour l'athée. Notons au passage qu'un croyant qui n'a pas
à payer ses soins dispose de ressources accrues pour financer son lieu
de culte, s'il le veut.
Les vases communicants ainsi mis en oeuvre restituent au public ce qui a
été détourné vers le privé et au privé ce qui était mis indûment à la
charge de la puissance publique. Une mesure salutaire pour éviter de
gaspiller les deniers publics. La laïcité n'est pas antireligieuse :
elle se soucie de tous. Jaurès, en proposant la suppression du budget
des cultes, pensait déjà aux retraites ouvrières des croyants et des
athées. "C'est seulement dans une grande politique de réformes sociales
que peut être désormais le salut pour l'esprit de laïcité" (L'Humanité,
25 février 1911).
Henri Pena-Ruiz est l'auteur de Qu'est-ce que la solidarité ? Le cœur
qui pense (Editions Abeille et Castor, Angoulême, 2011).
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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