[Laicite-info] Morale laïque ou instruction civique

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 17 Sep 09:09:05 CEST 2012


Morale laïque ou instruction civique

Publié par : LE MONDE
Le : 14.09.2012
Par Nathalie Kosciusko- Morizet, ancienne ministre, députée UMP de l'Essonne

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Vincent Peillon, le ministre de l'éducation nationale, a annoncé une 
concertation sur la question de la création de cours de "morale laïque" 
à l'école au nom du "redressement intellectuel et moral" de la France. 
Malgré les bonnes intentions, cette proposition reste intellectuellement 
bancale et scolairement contestable.

D'abord, cette mesure, un appel du pied évident à la IIIe République et 
aux pères fondateurs de l'école républicaine, paraît bien isolée. 
Pourquoi, après tout, ne pas ressusciter l'école de la IIIe ? Dans ce 
cas-là, on attendrait du ministre qu'il redonne du sens aux programmes 
d'histoire, de lettres ou de philosophie. Par exemple, que s'arrête la 
destruction systématique de toute approche chronologique de 
l'enseignement de l'histoire (cette année, les élèves de troisième 
étudieront la chute du mur de Berlin avant la Résistance en France) ! Du 
reste, comment parler de "morale laïque" à des élèves à qui on 
n'enseigne pas la loi de 1905 ou la relation quasi mystique entretenue 
par une partie des républicains avec la laïcité ?

Les termes choisis par M. Peillon soulèvent d'autres questions. En 
effet, l'Etat doit-il se mêler de "morale" ? La République, en France, 
est neutre. Elle est censée garantir le vivre-ensemble qui passe par 
l'attachement à des valeurs politiques. Et on la voit mal prescrire des 
règles morales à ses élèves, si l'on excepte quelques injonctions 
basiques : "Tu ne tueras point", "Tu ne voleras point". Ou alors, cela 
sous-entend une véritable réflexion collective sur la morale qui prévaut 
dans notre société, puisque chaque société humaine se dote en effet de 
normes qui régissent les comportements publics et privés de ses membres. 
Or, malgré la volonté du gouvernement de lancer des concertations à tout 
bout de champ, celle-ci ne semble pas à l'ordre du jour.

On retrouve aussi dans cette proposition la confusion des genres, 
alimentée par une situation difficile dans certains établissements. On 
demande aux professeurs d'assumer le rôle qui, il y a encore quarante 
ans, était dévolu aux parents et qui devrait toujours être le leur : on 
leur demande d'éduquer les enfants. Or, le rôle d'un maître d'école ou 
d'un professeur est d'enseigner, de transmettre des connaissances à ses 
élèves. Ce n'est pas à lui d'indiquer à chacun ce qu'il doit faire ou ne 
pas faire. Bref, plutôt que de parler de "morale laïque ", ou d'isoler 
celle-ci, M. Peillon aurait pu parler d'une instruction civique qui 
aurait pu introduire des notions de morale.

Formation du citoyen

C'est volontairement que je ne parle pas d'éducation civique, mais 
d'instruction. Les mots comptent, et ici plus qu'ailleurs. Le rôle de 
cette instruction civique que M. Peillon semble repousser serait, du 
primaire au lycée, de former les futurs citoyens. On pourrait imaginer 
un cours transversal, avec un volume horaire raisonnable (trois heures 
par semaine...) qui mettrait aux prises l'histoire, des éléments de 
droit constitutionnel, de philosophie, mais aussi de littérature ! 
N'est-ce pas là l'occasion de remettre, par exemple, les Fables de La 
Fontaine à l'honneur ?

L'enseignement de la seule morale semble difficile. Comment garantir 
l'indépendance du professeur ? En effet, l'enseignant se voit confier 
une charge très complexe : former moralement ses élèves ! La tentation 
est grande d'outrepasser sa fonction. A qui confier ces cours ? Aux 
professeurs de philosophie sans aucun doute.

Mais ne vaut-il pas mieux intégrer l'élaboration d'une morale laïque à 
un processus plus global de formation du citoyen, interdisciplinaire et 
intégrant tous les acteurs, en sciences humaines en tout cas, de notre 
école ? Sans compter que ce cours, quelle que soit sa forme finale, 
serait une formidable introduction à l'enseignement de la philosophie, 
morale certes, mais aussi politique. Enfin, puisque ce cours aurait pour 
but de favoriser l'intégration des futurs citoyens à la communauté, 
c'est aussi le lieu où l'on pourrait s'imaginer travailler à régler l'un 
des "maux" français : la défiance. Ce cours d'instruction civique serait 
l'endroit où, au primaire et au collège en tout cas, pourrait être 
expérimenté un mode de travail plus "horizontal".

C'est aussi le lieu où la réciprocité pourrait s'exercer afin de 
développer la confiance des élèves entre eux, mais aussi envers 
l'institution qu'est l'école qu'ils voient bien souvent comme une prison.

Enfin, si l'intention sous-jacente à cette annonce est sans doute 
louable, on ne peut s'empêcher de trouver que cette réforme 
programmatique semble bien orpheline s'il s'agit, pour Vincent Peillon, 
de redonner du sens aux enseignements. Le rôle des enseignants n'est pas 
d'éduquer les jeunes, mais bien de leur apprendre quels sont leurs 
droits et leurs devoirs, et surtout de les aider à mettre du sens dans 
ces mots, à travers l'histoire, la philosophie, le droit ! N'est-ce pas 
là un plus beau projet que la dose homéopathique de "moraline " que nous 
propose Vincent Peillon ?

Nathalie Kosciusko- Morizet, ancienne ministre, députée UMP de l'Essonne

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Denis Lebioda
Chargé de mission 
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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