[Laicite-info] Cour de cassation : une application cohérente du principe de laïcité

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Ven 5 Avr 09:31:49 CEST 2013


Cour de cassation : une application cohérente du principe de laïcité

Paris, le 2 avril 2013.

Communiqué commun de la Ligue de l’enseignement, de la Fédération 
nationale de la libre pensée et de la Ligue des droits de l’homme.

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Il est rare que des décisions juridictionnelles enflamment le débat 
public et que l’on cherche à faire appel devant le Parlement de ce que 
le juge a décidé. Ceci impose d’être particulièrement attentif aux deux 
arrêts que vient de rendre la Cour de Cassation, le 19 mars 2013, l’un à 
propos du licenciement d’une employée de la CPAM de Seine Saint Denis, 
l’autre relatif au licenciement d’une salariée de l’association 
gestionnaire de la crèche Baby loup à Chanteloup-les-Vignes.

Ces arrêts rappellent, à juste titre, que la sphère publique est d’abord 
soumise à un principe de stricte neutralité confessionnelle. La liberté 
d’expression des opinions, philosophiques, confessionnelles, etc., ne 
pouvant, dans la sphère privée, être limitée que pour des raisons 
précises et justifiées.

Dans le premier des deux arrêts, la Cour a rejeté un pourvoi en 
cassation dirigé contre un arrêt de la cour d’appel de Paris qui avait 
validé le licenciement d’une employée de la caisse primaire d’assurance 
maladie de Seine-Saint-Denis portant un voile à caractère religieux. La 
Cour de cassation a considéré que le juge d’appel i[« a retenu 
exactement que les principes de neutralité et de laïcité du service 
public sont applicables à l’ensemble des services publics, y compris 
lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé et que, 
si les dispositions du Code du travail ont vocation à s’appliquer [à 
leurs agents], ces derniers sont toutefois soumis à des contraintes 
spécifiques résultant du fait qu’ils participent à une mission de 
service public]i […] ».
Cet arrêt est parfaitement justifié. Les caisses d’assurance maladie 
gèrent un service public. Leurs agents ne doivent pas afficher leurs 
options personnelles, philosophiques ou religieuses dans le cadre de 
leur travail.

Dans le second arrêt la Cour de cassation a, en revanche, cassé un arrêt 
de la Cour d’appel de Versailles qui validait le licenciement d’une 
salariée de l’association gestionnaire de la crèche Baby loup au motif 
qu’elle venait travailler revêtue d’un voile. La Cour a jugé que « le 
principe de laïcité instauré par l’article 1er de la Constitution n’est 
pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent 
pas un service public (et) les restrictions à la liberté religieuse 
doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre 
à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et 
proportionnée au but recherché ». Ainsi, encourt la critique la 
disposition du règlement intérieur tendant à « les priver de la 
protection que leur assurent les dispositions du Code du travail », le 
licenciement étant, par voie de conséquence nul.
Cet arrêt est, lui aussi, parfaitement justifié, cette crèche privée 
n’étant pas chargée d’une mission de service public. C’est la situation 
générale de toutes les entreprises qui n’ont aucune délégation de 
service public, dans lesquelles d’éventuelles restrictions ne peuvent 
être justifiées que pour des raisons d’hygiène ou de sécurité ou propres 
à l’activité de l’entreprise.

La solution est conforme au droit positif et traduit, assez exactement, 
la portée habituellement reconnue au principe de laïcité pour peu que 
l’on accepte de lire l’arrêt dans sa totalité et, notamment, le motif 
tiré de ce que le règlement intérieur instaurait « une restriction 
générale et imprécise » à la liberté religieuse.

C’est donc de façon juste et cohérente que la liberté de conscience des 
salariés est protégée avec comme limite principale la laïcité intangible 
du service public. Elle se décline en fonction de la nature des 
entreprises et non en fonction des options personnelles des employeurs. 
Une loi d’interdiction générale de port de signes religieux ne prendrait 
pas en compte la diversité des statuts juridiques et sociaux des 
établissements, accomplissant une mission de service public, associatif, 
ou entreprise commerciale… Elle serait vouée, de plus, à être en 
contradiction avec les traités internationaux signés par notre pays, et 
avec la Constitution.

Profondément attachées à la laïcité, nos organisations s’inquiètent 
d’une interprétation, voire d’un détournement de ce principe de la 
République, qui conduirait, une fois de plus, à favoriser les replis 
communautaires, à stigmatiser une partie de la population et à en nier 
la diversité.


Paris, le 2 avril 2013.

Communiqué commun de la Ligue de l’enseignement, de la Fédération 
nationale de la libre pensée et de la Ligue des droits de l’homme.

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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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