[Laicite-info] La morale laïque attendra 2015 pour entrer en classe

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mar 23 Avr 08:46:08 CEST 2013



La morale laïque attendra 2015 pour entrer en classe

Publié par : http://www.cafepedagogique.net
Le : 23/04/13

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"Il y aura un enseignement moral et civique du primaire au lycée avec 
des horaires dédiés". Vincent Peillon a présenté le 22 avril le rapport 
"Pour un enseignement laïque de la morale" réalisé par Alain 
Bergounioux, Laurence Loeffel et Rémy Schwartz. Il a annoncé ses 
décisions et ses préconisations pour une mise en place  de 
l'enseignement de la morale laïque qui ne devrait pas avoir lieu avant 2015.



"La morale laïque c'est la morale des protestants, des juifs, des 
catholiques et des musulmans" a affirmé V Peillon. Il souligne ainsi que 
sa morale laïque n'est pas anti-religieuse et qu'elle s'appuie sur des 
valeurs admises par tous. Dans le rapport, elle est définie comme " le 
socle des valeurs communes" qui devrait ainsi comprendre "la dignité, la 
liberté, l'égalité, la solidarité, la laïcité, l'esprit de justice, le 
respect et l'absence de toutes formes de discrimination. Ces valeurs 
sont celles de l'humanisme moderne. Ce sont aussi les valeurs 
constitutionnelles de la République française, inscrites dans la 
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et dans le 
préambule de la Constitution de 1946 auquel renvoie notre actuelle 
Constitution. C'est autour de ces valeurs que doit se structurer 
l'enseignement de la morale". Ainsi la morale doit permettre de 
"refonder la république par l'école", une formule qu'affectionne le 
ministre. Vincent Peillon n'a d'ailleurs pu s'empêcher de faire allusion 
à l'affaire Cahuzac pour définir la morale comme une obligation interne 
indissociable de la politique. Mais ce sont les questions scolaires qui 
sont abordées dans le rapport.



Qui enseignera la morale laïque ?



Le rapport souligne au secondaire les liens entre la morale et les 
programmes de SVT, d'EPS, de français et bien sur d'histoire-géo. Mais 
pour V. Peillon cet enseignement n'est pas le privilège d'une catégorie 
d'enseignants. Tous les enseignants doivent y participer et la vie 
scolaire (CPE) également. Cet apport des CPE est un point fort de la 
réforme.



Quels horaires ?



S'il doit aller de la maternelle au lycée, le nouvel enseignement arrive 
sur des plateaux déjà très chargés mais où l'instruction civique est 
déjà présente. C'est cet horaire qui est utilisé pour la morale laïque. 
A l'école primaire, l'instruction civique et morale utilise en théorie 
81 heures en cycle 1 et 78 en cycle 3. En fait dans de nombreuses écoles 
ces heures ne sont pas effectuées comme nous avons pu le constater. Le 
rapport le confirme. V Peillon veut une heure hebdomadaire apparaissant 
clairement à l'emploi du temps. Au collège, le ministre exige le même 
horaire correspondant théoriquement aux horaires officiels d'éducation 
civique. Mais souvent l'horaire est utilisé partiellement par l'histoire 
et la géographie. En lycée, le ministre revendique 18 heures annuelles 
qui correspondent aux horaires d'ECJS en série générale. Dans la voie 
professionnelle l'horaire sera à dégager nettement dans les 380 heures 
de français - histoire-géo sur trois ans. C'est dans l'enseignement 
technologique que le problème sera le plus ardu pour dégager le temps de 
la morale. Les élèves ont deux heures d'histoire-géographie- éducation 
civique mais qui sont en fait utilisés pour l'histoire-géographie. La 
morale va attaquer un programme d'histoire-géo bien chargé. La morale 
laïque pourra également utiliser l'heure de vie de classe au collège et 
éventuellement en lycée. Dans l'esprit du ministère cela permettrait 
d'impliquer les CPE dans cet enseignement. Mais cette heure a une 
existence variable selon les établissements certains rectorats renâclant 
à la payer.



Quelle pédagogie ?



L'enseignement moral et laïque est d'abord présenté comme un 
apprentissage de la discipline. V. Peillon n'a pas développé ce point 
lors de sa présentation. Mais le rapport est très explicite. " Le lien 
intrinsèque entre autorité et discipline s'est perdu, de même que s'est 
effacé le principe d'une autorité enseignante qui exerce à la discipline 
au sein même des savoirs : s'initier à la grammaticalité de la langue, 
apprendre une langue étrangère, des mathématiques, des sciences 
expérimentales ou de la philosophie, requièrent entraînement, exercice, 
effort, tension vers un objet et un but, concentration, attention et, 
pour tout dire, discipline de l'esprit et du corps. Ainsi, la discipline 
n'engage pas seulement le rapport aux règles, mais aussi le rapport au  
savoir. C'est, aujourd'hui, au collège et au lycée, la séparation entre 
le pédagogique (l'enseignement) et l'éducatif (la vie scolaire) qui 
empêche de voir et de comprendre que ces deux dimensions de la 
discipline sont indissociables. Les repenser ensemble est nécessaire 
pour redonner à l'autorité pédagogique et à la discipline scolaire un 
sens complet. C'est là une condition d'un enseignement laïque de la 
morale articulé autour de deux dimensions : les enseignements et la vie 
scolaire ou vie de la classe". L'enseignement de la morale est d'abord 
le rétablissement de la discipline et de l'effort.



En même temps, V Peillon et le rapport prône des méthodes actives qui 
laissent à l'élève la liberté nécessaire à l'apprentissage du libre 
exercice. " Le principe pédagogique à privilégier, en l'adaptant aux 
différents niveaux et à différents exercices, est donc le libre examen 
auquel les élèves sont progressivement exercés. Cela conduit à penser 
que la discussion, l'échange, la confrontation des points de vue, la 
coopération et la participation dans des projets communs sont des moyens 
efficaces pour développer les capacités à comprendre les problèmes 
moraux qui font la trame de la vie sociale... Lecture de textes, études 
de cas, présentation de dilemmes moraux, pratique de jeux de rôle, 
activités théâtrales, engagement dans un projet sont autant de 
possibilités pour offrir des moments de réflexion et de structuration du 
jugement moral".



A l'école, le rapport prône la socialisation, "l'acquisition des 
capacités de coopération et d'autocontrôle" en maternelle. A l'école 
élémentaire, le nouvel enseignement supprime les adages imaginés par X. 
Darcos. "Une autre approche doit être proposée... la méthode des adages 
moraux et juridiques n'a eu pratiquement pas d'effets dans les 
classes.... Pour la formation du jugement moral, il est souhaitable de 
mettre en oeuvre les études de cas et la méthode des dilemmes moraux, 
inscrits dans des situations concrètes et propices à l'apprentissage du 
raisonnement moral et aux pratiques langagières, la discussion et le 
débat argumenté, notamment. Mais d'autres méthodes existent, comme la 
méthode de la clarification des valeurs ou la discussion à visée 
philosophique que les enseignants peuvent mobiliser selon les 
situations, les particularités de leur classe et de leurs élèves, les 
difficultés rencontrées à faire communauté".



Dans le second degré, le rapport préconise des "modules 
interdisciplinaires consacrés à un sujet d'étude sur les questions 
morales, à partir de textes, ou d'oeuvres artistiques, ou autour d'un 
projet collectif selon les choix des équipes pédagogiques. Ces modules 
peuvent s'inscrire, pour le collège, dans le modèle de ce qu'ont été les 
« itinéraires de découverte », pour le lycée d'enseignement général, 
dans les « travaux personnels encadrés », et pour les lycées 
professionnels, dans les « projets pluridisciplinaires à caractère 
professionnel » qui doivent être revitalisés".



Quelle évaluation ?



L LoeffelLe nouvel enseignement compte se couler dans l'existant auquel 
s'ajouterait une épreuve de contrôle continu au bac. "L'éducation 
civique fait l'objet d'une évaluation par une épreuve ponctuelle pour 
l'obtention du diplôme national du brevet, du certificat d'aptitude 
professionnel et du baccalauréat professionnel. La question de 
l'évaluation au baccalauréat de l'éducation civique, juridique et 
sociale dispensée dans les séries générales doit être posée. Si la mise 
en place d'une épreuve ponctuelle rendrait plus complexe encore 
l'organisation du baccalauréat, on ne peut écarter d'emblée la 
possibilité d'une évaluation en cours d'année"



Quel calendrier ?



Vincent Peillon a insisté sur le fait que la morale laïque n'est pas une 
morale d'Etat et qu'il n'entend pas faire tous les choix lui-même. C'est 
le futur conseil supérieur des programmes (CSP) qui devra arrêter les 
programmes, les modes d'évaluation etc. Il devrait être mis en place à 
l'automne 2013. Au mieux les programmes pourraient voir le jour en 2014 
et leur application avoir lieu en 2015.



Répondant à une question du Café pédagogique, le ministre a promis 
qu'une consultation des enseignants aurait lieu avant la publication des 
programmes de l'enseignement moral et laïque.



Quels obstacles ?



L'enseignement de la morale va venir buter sur l'enseignement de 
l'histoire-géographie au collège et en lycée, particulièrement en lycée 
technologique. L'éducation civique au collège est aussi un espace plus 
ou moins envahi par l'histoire et la géographie. Si d'autres enseignants 
interviennent dans l'enseignement de la morale le bouclage des 
programmes d'histoire-géo sera encore plus difficile. Leur horaire sera 
amputé.



L'enseignement moral et laïque pose aussi la question de la formation 
des enseignants. Le ministre a promis la mise en place de deux modules 
en formation initiale dont un dès 2013 dans les futures ESPE. Il n'a 
rien dit de la formation continue.



Mais plus grave que la fronde des professeurs d'histoire-géo, la morale 
laïque va se fracasser sur un mur d'indifférence chez les enseignants. 
Les rapporteurs ont beau dire que cet enseignement correspond à une 
demande de la société et des enseignants, nous avons plutôt constaté 
leur indifférence. Evidemment tous les enseignants effectuent des leçons 
de morale en classe de façon constante mais informelle. Au primaire les 
instructions Darcos avec la belle phrase écrite au tableau à commenter 
sont restées lettres mortes. Il n'est pas exclu que la morale laïque 
suive le même chemin même si la pédagogie préconisée est infiniment plus 
sympathique aux enseignants. Dans le secondaire mettre en place des 
modules interdisciplinaires relève du tour de force. Le ministre aurait 
été mieux inspiré à étendre les TPE en terminale et à rétablir les IDD 
au collège plutôt qu'à en capter les restes pour l'enseignement moral et 
laïque.



Le plus difficile à faire accepter sera son évaluation. Certes le 
ministre a mis en avant que cet enseignement comporte des connaissances. 
Les enseignants ressentent une gêne à évaluer un enseignement qui juge 
autant l'élève que son savoir. Enfin son arrivée complexifie le brevet 
et le bac qui n'en ont pas besoin.



Le ou la moral(e) ?



Marotte des trois derniers ministres de l'éducation nationale, le 
rétablissement de l'enseignement de la morale renvoie les enseignants à 
un passé de l'école. Or ce qu'ils attendent ce sont des réponses aux 
questions présentes qui ne sont pas solubles dans la morale : le pouvoir 
d'achat, le remise en forme des programmes, la réappropriation du 
métier. Avant la morale, il y a déjà le moral...



François Jarraud


*
Le rapport

 >>> 
http://www.education.gouv.fr/cid71583/morale-laique-pour-un-enseignement-laique-de-la-morale.html
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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