[Laicite-info] A Paris, des enfants jouent la foi pour apprendre la laïcité

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mar 16 Juil 09:20:48 CEST 2013


A Paris, des enfants jouent la foi pour apprendre la laïcité

Publié par : LE MONDE
Le : 15.07.2013

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L'ambiance est dissipée mais volontaire. Dans une salle au plafond bas 
et sans fenêtre de la maison de quartier de Ménilmontant, à Paris, 
Yamin, un CM2 du quartier, joue le rôle d'un écolier juif demandant à 
manger casher à la cantine de l'école. Energique et volubile, Fanta, 
l'une de ses camarades de CM1, incarne dans la saynète suivante une 
élève hindoue absente de l'école un jour de contrôle pour cause de fête 
de Ganesh. A l'autre bout de la pièce, deux enfants figurent une 
discussion serrée entre un client de culture musulmane et un 
restaurateur marocain qui refuse de le servir durant le ramadan.

Avec leurs mots et un argumentaire travaillé quelques minutes avec 
Soufiane Torkmani, l'animateur du groupe, treize enfants aux origines et 
religions diverses déploient les grandes questions 
philosophico-politiques qui agitent régulièrement la société française 
sur la laïcité. A leur manière, ils tentent de répondre aux questions 
que soulève l'irruption du fait religieux dans la vie quotidienne.

Dans la négociation avec le restaurateur, Ousmane avance ses arguments 
sous l'oeil attentif de Marine Quenin, responsable de l'association 
Enquête, à l'origine de cet atelier. "Ce n'est pas parce que je suis 
marocain que je suis musulman. Sers-moi ! Ce n'est pas parce que je 
mange que toi tu dois manger !", défend le garçon. Le restaurateur 
finira par céder.

"LA VIANDE EST TROP PLEINE DE SANG"

Yamin aura plus de mal à convaincre le directeur de l'école de lui 
prévoir "un repas casher à la cantine". "Ça coûte trop cher et tout le 
monde n'est pas juif", avance l'écolier-directeur. Son équipe conclura 
que "tout le monde ne peut pas manger ce qu'il veut" mais le groupe 
reste divisé sur le droit de manger casher ou halal à l'école. "Pour 
moi, c'est non ; c'est une question d'égalité", estime Louis. "Ce n'est 
pas normal", rétorque Fanta, qui, dans la vraie vie, "ne peut même pas 
manger les raviolis de la cantine". "La viande, à la cantine, elle est 
trop pleine de sang", confirme un camarade.

L'animateur profite de chaque situation pour poser quelques questions et 
tester l'acquisition des notions abordées tout au long de ces séances 
hebdomadaires. "C'est quoi la discrimination ?" "C'est quand un blanc 
dit des choses sur un arabe", lance un enfant. "Ou l'inverse !", corrige 
Soufiane Torkmani. "Tous les arabes sont-ils musulmans ?", reprend le 
jeune homme. "Non, il y en a qui sont chrétiens, comme en Syrie", répond 
doctement le groupe, avant de hisser "la Tunisie" au premier rang des 
pays musulmans. L'Indonésie leur est sortie de la tête.

Les enfants ont appris les fêtes et croyances des principales religions, 
et ont intégré des notions sur la laïcité et l'athéisme. "Ça m'a aidé à 
comprendre les autres enfants, assure Fanta, 10 ans. Et comme ça, 
maintenant, je peux me mêler de ces sujets en connaissant de quoi je 
parle." Elle assure déjà savoir qui, dans sa classe, est chrétien ou 
musulman, "à cause des absences le jour de l'Aïd".

"NAÏVETÉ ET SPONTANÉITÉ"

Quelque 140 enfants ont pu profiter de ces ateliers à Paris, Lille et 
Marseille au cours de l'année scolaire. "Pour nous, il s'agit d'aborder 
les religions par le biais de la connaissance et non de la croyance", 
précise Marine Quenin. "Le fait religieux relève du fait social, donc 
cela s'étudie, et on intervient dans des centres sociaux où existent de 
réels enjeux autour de la laïcité", précise Soufiane Torkmani, par 
ailleurs engagé dans l'association Coexister, qui travaille au dialogue 
interreligieux. Pour lui, les CM1-CM2 sont une cible idéale : "Ils sont 
encore dans la naïveté et la spontanéité, et moins dans les clichés et 
les préjugés."

Les responsables d'Enquête souhaitent promouvoir les outils de formation 
à la laïcité et au fait religieux dans les écoles primaires, mais cette 
approche demeure balbutiante. L'association aurait bien participé aux 
ateliers auxquels la réforme des rythmes scolaires va donner naissance, 
mais elle manque encore de ressources humaines "pour le faire 
convenablement", regrette Marine Quenin.

L'an prochain, des enfants de Ménilmontant devraient profiter à nouveau 
de cet atelier. Pour l'heure, le groupe reprend en riant la partie de 
baby-foot interrompue le temps d'une plongée dans le bain complexe de la 
laïcité.

Stéphanie Le Bars

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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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