[Laicite-info] Quand la loi de 1905 se retourne contre la laïcité

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mar 17 Fév 09:01:49 CET 2015


Quand la loi de 1905 se retourne contre la laïcité

Auteur : Jean-Francis Pecresse / Editorialiste
Publié par : http://www.lesechos.fr
Le : 16/02

**********************************

François Hollande a exclu toute remise à plat de la très libérale loi de 
1905. La vision de la laïcité qu'elle portait se trouve pourtant 
bousculée par certaines pratiques de l'islam, ce qui pose la question de 
son actualisation.

Un problème avec la laïcité ? Quel problème ? Un mois après les 
exécutions perpétrées à Paris au nom d'un islam fanatique, alors que la 
montée des radicalismes religieux lance un défi évident à la République 
laïque, le chef de l'Etat a fermé à double tour la porte à toute remise 
à plat du cadre légal séculaire définissant la place des cultes dans la 
société. Pour François Hollande, interrogé sur ce sujet lors de sa 
conférence de presse du 5 février, « il n'est pas question de modifier 
la loi de 1905 », précisément baptisée « loi de séparation des Eglises 
et de l'Etat ». Circulez, il n'y a rien à revoir. Le président a tout 
juste concédé la nécessité de « travailler », avec la communauté 
musulmane, sur trois sujets censés permettre une meilleure intégration 
de l'islam.

Le premier est le « renforcement » de la représentativité du Conseil 
français du culte musulman, le CFCM n'ayant « pas la capacité suffisante 
de faire prévaloir un certain nombre de règles, de principes, partout 
sur le territoire ». Le deuxième axe de travail est « la formation des 
imams », autrement dit le contrôle de cette formation. Le troisième est 
la présence accrue d'aumôniers musulmans dans les armées et les prisons 
(François Hollande aurait pu citer aussi les hôpitaux), la loi de 1905 
garantissant déjà aux autres religions le libre exercice de la foi 
partout et en toute circonstance. Ces chantiers sont confiés à Bernard 
Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, ministre des Cultes.

Des retouches légales viendront donc peut-être, mais on est bien loin 
d'une refondation du pacte conclu, voici plus d'un siècle, entre l'Etat 
et les trois seules religions alors présentes en France (catholique, 
juive et protestante). Pourquoi reste-t-elle un totem, cette loi de 1905 
dont François Hollande, candidat en 2012, voulait graver les deux 
premiers articles dans la Constitution ? Parce qu'elle est considérée, 
par beaucoup, comme un point d'équilibre, subtil et fragile, entre la 
neutralité de l'espace public et la liberté d'une expression religieuse 
non confinée à la sphère privée. Comme le résume Jean-Louis Bianco, 
président de l'Observatoire de la laïcité, « la loi de 1905 garantit la 
liberté de croire ou de ne pas croire ».

Et si François Hollande ne veut pas toucher à la loi de 1905, c'est 
parce que, à ses yeux, elle offre « aujourd'hui au culte musulman toutes 
les façons de pouvoir pleinement assurer la liberté de conscience ». Ce 
n'est pas vraiment l'avis des 5 à 6 millions de musulmans, manquant trop 
souvent de lieux de culte, faute de financement public. Ce qui n'était 
pas un problème en 1905 en est un en 2015. Pragmatiques, les maires, 
pour répondre à la demande légitime de leurs administrés de confession 
musulmane, sont de plus en plus nombreux à contourner l'obstacle. Faute 
de pouvoir céder des terrains aux associations religieuses, ils leur 
concèdent des baux emphytéotiques ou garantissent des emprunts pour 
l'acquisition de terrains privés et la construction de mosquées. Mais le 
malaise des maires est de plus en plus patent : 10 % d'entre eux sont 
désormais favorables à un financement public. A Drancy, le maire, 
Jean-Christophe Lagarde a dû biaiser au point de faire construire une 
salle polyvalente, ensuite dédiée au culte. Cela n'empêche pas François 
Baroin, président de l'Association des maires de France, de juger « 
parfaite » cette loi de 1905.

L'argument laïc invoqué à l'appui d'une révision de la loi de 1905 est 
qu'un financement public du culte musulman permettrait de mieux 
contrôler la formation des imams, afin de prévenir les dérives radicales 
- ce qui n'est pas un sujet pour les trois autres religions. Tel est 
l'avis de l'ancien Premier ministre, François Fillon, pour lequel « la 
loi de 1905 est clairement un obstacle à l'intégration de l'islam, à la 
création d'un islam de France ».

L'actualisation de la très libérale loi de 1905 est d'autant plus un 
sujet que la vision de la laïcité qu'elle portait est bousculée par 
certaines pratiques de l'islam, ses coutumes et ses costumes. Avec 
d'autres, Jean-Louis Bianco a beau affirmer que « les responsables 
musulmans savent ce qui est permis et ce qui est interdit » et que « la 
France n'a pas de problème avec la laïcité », l'espace public, celui de 
la vie commune, est envahi de pratiques qui, comme le port du voile, 
l'interdit alimentaire imposé à d'autres, compromettent ce que la 
sociologue Jacqueline Costa-Lascoux appelle « la compatibilité des 
libertés religieuses ». La loi de 1905 est certes respectée, mais son 
esprit ? C'est toute la question posée par le port du voile dans 
l'entreprise, dans le sport et, bien sûr, à l'université, lieu de la 
raison par excellence - sujet au coeur du « Soumission » de Michel 
Houellebecq. La laïcité de 1905 ne permet plus de « vivre ensemble » en 
2015. D'ailleurs, si la burqa est proscrite en public depuis 2010, ce 
n'est pas au nom de la laïcité, mais de l'ordre public...

Si l'on accepte, avec Alain Finkielkraut, de voir dans le voile non pas 
« le vêtement de la pudeur » mais « l'affiche d'une foi qui se veut 
au-dessus du savoir », alors, oui, il est certainement essentiel à la 
nature de notre République d'ouvrir un grand débat avec l'islam sur les 
places respectives de la religion et de la laïcité. « Cette grande 
discussion que l'Etat a eue avec les religions, en 1801 avec le 
Concordat, en 1807 avec le Consistoire, en 1905 avec la loi de 
séparation, il doit l'avoir aujourd'hui avec l'islam, estime le député 
de la Marne Benoist Apparu. Et cette discussion doit aboutir à ce que la 
République réaffirme une position d'autorité face aux religions. » Dans 
le climat de tension entre communautés, ouvrir ce débat, c'est ouvrir 
une boîte de Pandore. Mais il est des moments dans l'histoire d'un pays 
où le courage n'est plus une option.

Jean-Francis Pécresse
Editorialiste aux « Echos »


Les points à retenir

Si François Hollande ne veut pas toucher à la loi de 1905, c'est parce 
que, à ses yeux, elle offre « aujourd'hui au culte musulman toutes les 
façons de pouvoir pleinement assurer la liberté de conscience ».
Ce n'est pas vraiment l'avis des 5 à 6 millions de musulmans, manquant 
trop souvent de lieux de culte, faute de financement public.
L'argument laïc invoqué à l'appui d'une révision de la loi de 1905 est 
qu'un financement public du culte musulman permettrait de mieux 
contrôler la formation des imams, afin de prévenir les dérives radicales.

En savoir plus sur 
http://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/0204151160838-quand-la-loi-de-1905-se-retourne-contre-la-laicite-1093509.php?AiFsoohdcDzutuiI.99

-- 

-----------------------
Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
-----------------------
Nos sites :
http://www.laligue-alpesdusud.org
http://www.laligue-alpesdusud.org/associatifs_leblog
-----------------------





Plus d'informations sur la liste de diffusion Laicite-info