[Laicite-info] La laïcité, valeur essentielle de la République

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Ven 9 Déc 07:37:26 CET 2016


La laïcité, valeur essentielle de la République
Publié par : https://theconversation.com
Le : 9 décembre 2016
Auteur : Sylvie Pierre - Maître de conférences en sciences de 
l’information et de la communication, Université de Lorraine


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Depuis 2011, date de l’instauration d’une « journée nationale de la 
laïcité », le monde scolaire est fortement incité à célébrer 
l’anniversaire de la loi de 1905, loi de Séparation de l’Église et de 
l’État. Cette journée est instituée par une résolution du Sénat adoptée 
le 31 mai 2011 et la proposition de résolution enregistrée à la 
présidence de l’Assemblée nationale le 28 mars 2013.

Pour Claude Domeizel (PS) co-auteur du texte, la laïcité n’a pas à être 
débattue car elle se vit en tant que principe fondateur de la République 
et cette journée a pour ambition d’en faire la pédagogie. En effet, 
depuis 1984, des rapports soulignent que la laïcité, héritage essentiel 
de la Révolution, est menacée. Notre société souffre d’un effritement 
des valeurs, d’un cloisonnement des communautés.

Les événements tragiques de 7 janvier et du 13 novembre 2015 n’ont fait 
que confirmer la nécessité de se mobiliser autour des valeurs de la 
République.

Pour penser l’éducation à la laïcité lors d’une telle journée, il faut 
en questionner deux aspects : la laïcité en éducation et l’éducation à 
la laïcité dans une dimension éthique (c’est-à-dire interroger la notion 
de valeur elle-même) et axiologique (se demander ce que peut/doit 
signifier la transmission desdites valeurs).

Un principe hérité des Lumières

Les événements de 2015 révèlent pour une part l’insuffisance de la 
transmission des valeurs Républicaines au sein de l’école malgré un 
enseignement civique et moral et une volonté politique de les faire 
partager.

Il faut tout d’abord penser le concept de laïcité, héritier de la 
philosophie des Lumières, dans sa fonction émancipatrice. Le terme est 
issu du latin laicus, qui signifie « commun », lui-même venu du grec 
laos, le peuple. Le peuple ordinaire, la foule, la masse, qui s’oppose 
au demos, le peuple « politique », la communauté civique. L’histoire des 
cités grecques et de leur invention de la « démocratie » montre qu’elles 
tentaient déjà d’organiser l’espace public et politique de la Cité 
autour de l’agora, lieu de la prise de parole des citoyens, et donc – en 
ce qui concerne Athènes – hors de l’Acropole et des édifices religieux.

Genèse d'un idéal

Au XVIIIᵉ siècle, l’esprit des Lumières se répand et les philosophes 
dénoncent les persécutions religieuses perpétrées au nom de la religion. 
Voltaire rappelle dans son Traité de la Tolérance : « On sait assez ce 
qu’il en a coûté depuis que les chrétiens disputent sur le dogme : le 
sang a coulé, soit sur les échafauds, soit dans les batailles, dès le 
IVᵉ siècle jusqu’à nos jours ». Pour le philosophe, l’ordre public n’a 
nul besoin d’une contrainte religieuse.

À la révolution, la monarchie de droit divin est remplacée par le peuple 
désormais souverain. C’est une première expérience historique d’une 
société décidée à s’émanciper de l’autorité de la religion : la 
souveraineté ne vient plus de Dieu, mais du peuple. Grâce à la liberté 
de conscience et à l’égalité devant la loi, proclamée dans la 
Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789, émerge 
et grandit l’idée de laïcité. L’article 10 proclame : « Nul ne doit être 
inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leurs 
manifestations ne troublent pas l’ordre public établi par la loi ».

Les philosophes des Lumières n’ont pas oublié l’école. Le 20 avril 1792, 
Condorcet présente devant l’Assemblée législative le « Rapport sur 
l’organisation générale de l’instruction publique » et déclare : « Les 
principes de la morale enseignés dans les écoles et dans les instituts 
seront ceux qui, fondés sur nos sentiments naturels et sur la raison, 
appartiennent également à tous les hommes […]. Il était donc 
rigoureusement nécessaire de séparer de la morale les principes de toute 
religion particulière, et de n’admettre dans l’instruction publique 
l’enseignement d’aucun culte religieux ». Le 13 juillet-13 août 1793, le 
plan d’éducation élaboré par Michel Lepelletier est amendé et adopté par 
la Convention. « Je désirerais, que pendant le cours entier de 
l’instruction publique, l’enfant ne reçût que les instructions de la 
morale universelle, et non les enseignements d’aucune croyance 
particulière », dit Robespierre qui le présente.

Au XIXᵉ siècle, la lutte entre l’Église et l’État

Le XIXᵉ siècle est marqué par un ensemble de luttes acharnées entre les 
Églises et l’État, faites d’avancées et de reculs. La loi Falloux 
apparaît par exemple comme une victoire de l’Église et une revanche sur 
les Lumières.

Lors de la séance du 15 janvier 1850 à l’Assemblée législative, Victor 
Hugo s’élève contre ce projet et déclare : « Je veux, je le déclare, la 
liberté de l’enseignement ; mais je veux la surveillance de l’État ; et 
comme je veux cette surveillance effective, je veux l’Etat laïque, 
purement laïque, exclusivement laïque ». Il s’adresse ensuite au parti 
ultramontain : « Je ne veux pas vous confier l’enseignement de la 
jeunesse, l’âme des enfants, le développement des intelligences neuves 
qui s’ouvrent à la vie, l’esprit des générations nouvelles, c’est-à-dire 
l’avenir de la France, parce que vous le confier, ce serait vous le 
livrer. […] ». La loi est pourtant votée.

Sous la IIIᵉ République, de 1870 à 1904, l’enseignement est au cœur du 
débat politique. Une nouvelle génération de républicains placent 
l’humanité à la place de Dieu, le progrès à la place de la Révélation et 
défendent le principe de séparation des Églises et de l’État. Jules 
Ferry proclame : « La conscience humaine peut fonder une morale sociale 
et se passer de béquille théologique ». La laïcisation de la société 
civile est pour lui un préalable à la séparation des ÉgliseS et de 
l’État. La loi la plus connue est celle du 28 mars 1882, qui institue 
une école gratuite, obligatoire et laïque pour tous, reposant sur les 
droits de l’homme, la liberté de conscience et les principes de liberté 
et d’égalité. Ferdinand Buisson précise : « […] Nous n’avons pas le 
droit de toucher à cette chose sacrée qui s’appelle la conscience de 
l’enfant ».

La loi de 1905 institue la laïcité en séparant les Églises et l’État. 
Elle garantit le respect de la liberté de conscience et implique la 
neutralité de l’État à l’égard des opinions et des croyances. Pour 
Ferdinand Buisson, président de la mission parlementaire, il s’agissait 
de faire de « l’œuvre de laïcité de l’État non un acte de combat ou un 
instrument de vengeance, mais au contraire un acte de pacification 
sociale ». Ainsi la mise en place de l’instruction civique (1882) et la 
loi de 1905 s’inscrivaient dans un contexte d’instauration de la 
République dans un contexte de tension avec l’Église catholique et une 
volonté affirmée de s’émanciper de cette référence morale et sociale 
discutable.

Rappeler cet héritage historique, philosophique et spirituel de notre 
humanité permet de comprendre le chemin de la conquête de l’esprit de 
liberté : aucune société ne l’a sécrété spontanément. Et en tant que 
conquête, elle n’est jamais acquise de manière définitive. Mais 
connaître les faits ne suffit pas à éduquer à la laïcité. Dans le 
contexte actuel, la nécessité de faire partager les valeurs de la 
République a pris tout son sens et ne date pas de janvier 2015. La 
mission du partage des valeurs de la République figure dans la loi 
depuis 2005 et a été réaffirmée par la loi sur la refondation de l’école 
en 2013. Elle est d’ailleurs la première compétence des métiers du 
professorat selon le Référentiel des compétences professionnelles des 
métiers du professorat et de l’éducation.

Faire partager les valeurs de la République

Abdennour Bidar consacre son dernier ouvrage à cette question : « 
Quelles valeurs partager entre nous tous, sans frontières de culture ni 
de convictions ? Et comment les transmettre à nos enfants ? Deux 
véritables défis pour nos sociétés devenues très muticulturelles, où 
rien ne semble plus difficile que de se rassembler autour d’un « bien 
commun », de se remettre tous ensemble sur un chemin de sens et 
d’espérance au-delà de nos différences de culture, de croyances et de 
conviction […] ». En effet, dans quelle mesure peut-on éduquer à la 
laïcité dans une société qui ne parvient pas à réduire les 
discriminations et où les inégalités sociales et territoriales s’aggravent ?

La formation des enseignants est un des aspects essentiels de la 
connaissance des valeurs mais aussi des démarches à mettre en œuvre 
auprès des élèves. Pratiquer la laïcité dans le cadre scolaire, c’est 
montrer qu’elle seule permet la coexistence des différences et donner 
aux élèves les outils intellectuels qui leur permettent de la pratiquer 
dans un équilibre des droits et des devoirs. Toutes les activités 
éducatives et tous les enseignements disciplinaires participent au 
fondement des valeurs laïques. Il s’agit avant tout d’aider l'élève, 
futur adulte, à pratiquer une séparation entre les différents domaines 
de réflexion (ce qui relève de la science, de la connaissance et ce qui 
relève des croyances). Autant dire que l’éducation à l’esprit critique, 
à la pratique de l’argumentation, à l’écoute est essentielle pour 
intérioriser une laïcité porteuse de liberté, égalité, fraternité.

La journée de la laïcité, résolument ancrée dans une pensée humaniste et 
une conception universaliste de la société héritière de la philosophie 
des Lumières, interroge nécessairement les différents acteurs du monde 
éducatif. Redisons-le haut et fort : la Laïcité est une valeur 
républicaine qui nécessite qu’elle soit comprise, partagée et défendue 
lorsqu’elle est menacée. L’expérience montre que l’éducation est 
fondamentale afin que les jeunes générations intègrent le principe de 
laïcité comme premier garant de la liberté de conscience de chacun. 
Aussi, il apparaît opportun qu’une journée lui soit consacrée. Elle ne 
peut cependant pas suffire à elle seule à transmettre cette valeur qui 
doit être enseignée et vécue tout au long du parcours de l’élève.

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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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