[Laicite-info] Pourquoi Jean-Louis Bianco a fâché tant de laïques

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 21 Jan 10:44:54 CET 2016


Pourquoi Jean-Louis Bianco a fâché tant de laïques

Publié par : LE MONDE
Le :  21.01.2016
Par : Caroline Fourest

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La polémique suscitée par l’Observatoire de la laïcité est loin d’être 
anecdotique. Il s’agit de savoir si l’Etat veut défendre la laïcité face 
aux intégristes et à leurs alliés, ou s’il veut s’en accommoder au titre 
du dialogue interreligieux et de la laïcité « ouverte  ». Ce ne sont pas 
que des mots ni des guerres de chapelles. Mais des choix qui peuvent 
armer ou, au contraire, désarmer.

Dans un pays visé par le terrorisme, certaines propagandes peuvent tuer. 
Comme faire croire que la France pratique un racisme d’Etat, parce 
qu’elle ose se défendre face au terrorisme. Ou qu’elle est « islamophobe 
  », parce qu’elle souhaite faire respecter l’égalité hommes-femmes et 
la laïcité au sein de l’école publique.

Les prescripteurs de ces propagandes empoisonnées sont bien connus des 
laïcs vigilants. Ceux-là aimeraient pouvoir compter sur l’Observatoire 
de la laïcité pour nous protéger. Ils constatent que le bouclier est percé.

L’Observatoire semble bien plus occupé, depuis son entrée en fonctions, 
à minimiser l’intégrisme, voire à cautionner ceux qui tiennent ces 
discours contre la France et sa laïcité. C’est le reproche adressé par 
de nombreuses organisations laïques, qualifié de « réaction laïciste 
intégriste  » par Jean-Louis Bianco. Son mépris envers ces vigilants 
étant exactement inverse à la complaisance dont il fait preuve envers 
les organisations réellement intégristes.

Jusqu’à dédaigner les principaux rendez-vous laïques, comme le Prix 
annuel de la laïcité, pour mieux s’afficher aux côtés des partisans 
d’une laïcité « ouverte  » aux accommodements religieux, façon 
l’association Coexister. Doté d’importants moyens, ce collectif proche 
de l’Eglise catholique limite la définition de la laïcité à la «  
neutralité  ». Il la pratique essentiellement à travers le dialogue 
interreligieux, pouvant aller des sympathisants de La Manif pour tous 
aux Frères musulmans. L’un de ses animateurs, Samuel Grzybowski, dit 
trouver « intéressant  » ce courant de l’islam politique totalitaire. 
Comme les Frères musulmans et les créationnistes chrétiens, il refuse de 
considérer les sciences comme « supérieures  » aux croyances au sein de 
l’éducation nationale. N’y avait-il pas meilleur partenaire pour signer 
un livre, L’Après-Charlie. 20 questions pour en débattre sans tabou 
(Coédition Editions de l’Atelier et Réseau Canopé, 2015), à destination 
des écoles ? C’est pourtant le choix de l’Observatoire de la laïcité.

Quelques noms servant de caution

D’autres alliés posent question, surtout après les attentats de janvier 
et de novembre 2015. Nous sommes nombreux à avoir partagé le hashtag 
#NousSommesUnis par souci d’unité. L’appel du même nom, cautionné et 
relayé par l’Observatoire de la laïcité, relève de cercles bien plus 
restreints  : un noyau dur formé par Coexister et plusieurs 
personnalités proches des Frères musulmans, élargi à quelques noms 
servant de caution, comme Jean-Louis Bianco. Il se défend aujourd’hui de 
l’avoir signé, mais figure bien en tête des personnalités associées au 
communiqué de #NousSommesUnis, relayé avec enthousiasme par le numéro 
deux de l’Observatoire, Nicolas Cadène.

Le texte de l’appel, totalement niais, n’est pas en cause. Le problème 
réside dans le signal envoyé. Dénoncer l’amalgame, plus que la terreur, 
aux côtés d’intégristes. Appeler à ne pas stigmatiser en compagnie de 
personnalités et d’associations qui passent leur vie à stigmatiser la 
laïcité comme raciste, et les laïques comme « islamophobes  ». Les noms 
mis en avant par cet appel  ? Le rappeur Médine, qui chante « crucifions 
les laïcards comme à Golgotha  », Nabil Ennasri (dont la proximité avec 
le Qatar n’est plus à démontrer) ou encore le Collectif contre 
l’islamophobie en France (CCIF).

Clairement islamiste, ce collectif manipule les chiffres, déjà élevé, 
d’actes antimusulmans – pour l’essentiel des insultes et des graffitis – 
en ajoutant, dans sa comptabilité, les perquisitions antiterroristes, 
les mesures d’éloignement d’imams incitant à la haine, l’agression 
mortelle d’un musulman par un autre musulman ou le vol de métaux sur le 
dôme d’une mosquée lié à la délinquance.
Qu’a fait croire le CCIF, spécialiste de cette technique d’intimidation  
? Qu’Elisabeth Badinter défendait le droit d’être “islamophobe ”

Son but est clair. Convaincre les musulmans que la France les abandonne, 
afin de les pousser dans les bras des prédicateurs intégristes avec qui 
le CCIF milite. Au choix, Tariq Ramadan, l’imam salafiste de Brest ou 
Abou Anas, pour qui la musique est « la voix de Satan  », incite à la «  
perversion des mœurs  » et au « libertinage  ». Des prédicateurs qui 
participent au dîner annuel du CCIF… Beaux alliés pour un appel à l’«  
union  », surtout après les attentats du Bataclan. D’où la pétition, 
signée par plus de 4 000 laïques, pour demander la démission de 
Jean-Louis Bianco.

Plus récemment, une goutte d’eau a fait déborder le vase et convaincu 
trois membres de se désolidariser de l’Observatoire (Jean Glavany, 
Françoise Laborde, Patrick Kessel).

Alors que France Inter consacrait son antenne à l’« anniversaire  » du 
massacre de Charlie Hebdo, Nicolas Cadène s’est joint aux troupes du 
CCIF pour enrager contre Elisabeth Badinter sur Twitter. Qu’a-t-elle dit 
ce jour-là  ? Qu’il fallait défendre la laïcité « sans avoir peur d’être 
traité d’islamophobe  ». Qu’a fait croire le CCIF, spécialiste de cette 
technique d’intimidation  ? Qu’Elisabeth Badinter défendait le droit 
d’être « islamophobe  ». Une malhonnêteté habituelle, mais qui commence 
à coûter trop de vies pour être tolérée. Et que l’Observatoire devrait 
combattre au lieu de se joindre à la meute des lyncheurs.

Voilà les lignes rouges dont il est question. Celles que Manuel Valls a 
tenu à rappeler lorsqu’on lui a demandé s’il cautionnait la dérive de 
l’Observatoire. Jean-Louis Bianco a répondu sèchement, en feignant ne 
pas dépendre du premier ministre. Ce que son papier à en-tête contredit 
cruellement. Le gouvernement ne pourra pas se contenter de ce simple 
rappel à l’ordre. Les institutions qu’il met en place doivent tenir 
leurs promesses  : défendre la laïcité, et non ceux qui l’attaquent.

Caroline Fourest est journaliste, essayiste et l’auteure d’Eloge du 
blasphème (Poche, 2016, 198 pages, 6,30 euros).


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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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