[Laicite-info] Jean-Louis Bianco : « Ceux qui dénaturent la laïcité sont ceux qui en font un outil antireligieux »

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 21 Jan 10:57:38 CET 2016


Jean-Louis Bianco : « Ceux qui dénaturent la laïcité sont ceux qui en 
font un outil antireligieux »

Publié par : Le Monde.fr
Le : 19.01.2016
Propos recueillis par Cécile Chambraud

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Ce sont deux conceptions de la laïcité qui s’opposent. D’un côté, le 
premier ministre, Manuel Valls. De l’autre, Jean-Louis Bianco, le 
président de l’Observatoire de la laïcité. Et cette opposition est en 
train de virer à l’affrontement. Lundi 18 janvier, au cours d’une 
conférence-débat des Amis du Conseil représentatif des institutions 
juives de France, à Paris, M. Valls a déclaré que « l’Observatoire de la 
laïcité, qui est placé sous [sa] responsabilité […] ne peut pas être 
quelque chose qui dénature la réalité de cette laïcité ».

Le chef du gouvernement reproche notamment à M. Bianco d’avoir signé une 
tribune intitulée « Nous sommes unis », parue dans Libération le 15 
novembre 2015, « pour condamner le terrorisme », après les attentats du 
13 novembre à Paris et Saint-Denis. « On ne peut pas signer des appels, 
y compris pour condamner le terrorisme », aux côtés d’organisations qui 
participent à un « climat nauséabond », a fait valoir M. Valls. Cet 
appel avait été signé avec 80 personnalités de divers horizons, dont des 
militants réputés proches des Frères musulmans et du controversé 
Collectif contre l’islamophobie en France.

M. Valls est également revenu sur les propos tenus par le rapporteur 
général de l’Observatoire de la laïcité, Nicolas Cadène. Celui-ci avait 
réagi à une déclaration d’Elisabeth Badinter sur France Inter le 6 
janvier, selon qui « il ne faut pas avoir peur de se faire traiter 
d’islamophobe ». M. Cadène avait tweeté : « Quand un travail de 
pédagogie de 3 ans sur la #laïcité est détruit par une interview… »

« Un collaborateur d’un observatoire de la République ne peut pas s’en 
prendre à une philosophe comme Elisabeth Badinter – pas parce qu’elle 
est philosophe ni parce qu’elle s’appelle Elisabeth Badinter, mais à 
partir de ses propos : c’est une défense intransigeante, que je partage 
d’ailleurs, de la laïcité dans bien des domaines. Et ça, ça doit être 
rappelé à chacun », a martelé M. Valls.

Dans un entretien au Monde, Jean-Louis Bianco estime que « ce genre 
d’attitude ne peut qu’alimenter le radicalisme et le discours victimaire ».

Manuel Valls a accusé l’Observatoire de la laïcité de « dénaturer » la 
laïcité. Comment recevez-vous cette critique ?

Jean-Louis Bianco : Je rappelle que l’Observatoire a adopté une note 
d’orientation sur ce qu’est la laïcité à l’unanimité. Nous, nous 
défendons la laïcité en en faisant la promotion sur le terrain où nous 
sommes deux à trois fois par semaine. Nous sommes sollicités partout 
pour dire ce qu’est la laïcité, son histoire, son droit, son 
application. Ce n’est pas un choix intuitif ou idéologique. Ceux qui 
dénaturent la laïcité, ce sont ceux qui en font un outil antireligieux, 
antimusulman, qui prétendent, ce qui est une monumentale erreur sur le 
principe même de laïcité, que l’espace public est totalement neutre, 
comme si nous n’avions plus le droit d’avoir des opinions. Nous, nous 
souhaitons être efficaces en apportant des solutions aux problèmes qui 
se posent sur le terrain.

Est-ce l’opposition de deux conceptions de la laïcité qui s’exprime dans 
cet incident ?

En partie. Il est vrai qu’une réaction laïciste intégriste se développe 
depuis quelques années en France. Je suis convaincu qu’elle est très 
minoritaire. Sur le terrain, quand j’explique ce qu’est la laïcité, il 
m’arrive d’être ovationné, y compris dans des quartiers difficiles. 
D’ailleurs, le débat avait été tranché en 1905. Aristide Briand, 
Ferdinand Buisson, Jean Jaurès et, finalement, Georges Clemenceau, 
avaient rappelé que la loi de séparation des Eglises et de l’Etat était 
d’abord une « loi de liberté ». Certains veulent remettre en cause ce 
principe de base car, pour eux, au fond, ce qui touche à l’islam serait 
par nature antirépublicain.

Ne vous arrive-t-il pas d’être confronté à des publics partisans d’une 
laïcité plus offensive ?

Très peu. La laïcité est une arme solide. Elle est profondément ancrée 
chez tous nos concitoyens, croyants ou non, musulmans ou pas. Il est 
vrai qu’il y a une crispation sur le foulard. Beaucoup sont choqués par 
le fait de voir plus de femmes portant un foulard. Il faut réfléchir 
sérieusement aux raisons de ce changement. Mais qu’on aime ou pas, la 
question est : est-ce que ça porte atteinte à la liberté des autres ? Y 
a-t-il des pressions ? Du prosélytisme ? Ce sont les comportements qui 
s’opposent au cadre républicain qu’il faut sanctionner, et non la simple 
apparence.

L’Observatoire s’est à chaque fois prononcé contre des modifications de 
la loi dans les universités, les crèches, etc. N’est-ce pas une des 
raisons de ces attaques ?

Nous pensons qu’avant de faire de nouvelles lois, il faut déjà appliquer 
celles existantes. Cela étant, s’il fallait modifier la loi, il faudrait 
que ce soit dans un large rassemblement républicain, ce qui n’est pas 
l’esprit du temps. Toutes les propositions de loi évoquées sont 
restrictives. Elles veulent multiplier les interdits. Pour nous, c’est 
extrêmement dangereux et contre-productif. C’est ce qui conduira à de 
graves divisions en France.

Le premier ministre a mis en cause l’appel « Nous sommes unis » publié 
après les attentats de novembre 2015, en vous faisant grief de vous 
trouver sur la liste avec des proches des frères musulmans. Que lui 
répondez-vous ?

Cet appel est une chance extraordinaire pour la République. C’est 
formidable qu’on ait pu le faire après les attentats de novembre. On 
n’aurait pas pu le faire après ceux de janvier. Parmi les signataires, 
on trouve une diversité que je n’attendais pas. Je trouve extrêmement 
dommage que le premier ministre ne regarde pas la réalité de ce texte. 
Quand il y a un appel de ce genre-là, on ne va pas trier les bons et les 
méchants à partir du moment où tout le monde est d’accord sur le 
contenu, à savoir l’unité dans la République. Nous y retrouvons le grand 
rabbin de France, des responsables syndicaux, notamment de la FSU et de 
la CFDT, le président du Conseil français du culte musulman, celui de la 
Ligue de l’enseignement, un ancien grand maître du Grand Orient, etc. 
Sinon, cela signifie qu’il faudrait se contenter d’un appel cosigné par 
trois laïcistes intégristes qui ne fera pas avancer le débat.

Vous dites qu’il y a une campagne contre vous. Pourquoi ?

Sur Twitter, elle s’appelle #BiancoDegage ! L’Observatoire, Nicolas 
Cadène et moi nous faisons attaquer à peu près toutes les semaines par 
Marianne et quelques autres. A propos du tweet de Nicolas Cadène sur son 
compte personnel, certains ont parlé d’une « attaque d’une rare violence 
contre Elisabeth Badinter ». Il n’a même pas cité son nom ! On a bien le 
droit de ne pas être d’accord avec elle !

L’approche de la présidentielle a-t-elle à voir avec l’attaque de Manuel 
Valls ?

Je ne sais pas, mais cela laisse le doute s’installer.

Qu’allez-vous faire ?

Continuer à travailler !

     Cécile Chambraud
     Journaliste au Monde


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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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