[Infoligue] Françoise Nyssen : « Il faut combattre la “ségrégation culturelle” »

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 18 Déc 09:44:47 CET 2017


Lire notamment : "La deuxième priorité de ma politique est le 
développement de la pratique artistique à l’école, dès le plus jeune âge 
et pour tous. On parle encore aujourd’hui d’éducation artistique et 
culturelle, mais le virage c’est la pratique..."


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Françoise Nyssen : « Il faut combattre la “ségrégation culturelle” »

La ministre de la culture détaille les priorités de la Rue de Valois, 
parmi lesquelles la mise en place d’un « passe culture » pour les jeunes 
de 18 ans.

Publié par : LE MONDE
Le : 18.12.2017 à 09h33
Propos recueillis par Cédric Pietralunga et Sandrine Blanchard

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Après six mois à sillonner la France, Françoise Nyssen expose la 
politique qu’elle entend mener rue de Valois. La ministre considère 
qu’il faut « briser les déterminismes socio-économiques et géographiques 
en misant sur une offre culturelle de proximité ». Le passe culture, 
promis aux jeunes de 18 ans, pourrait ­devenir un « service public 
universel de la culture ».

Vous êtes ministre de la ­culture depuis sept mois, mais vous n’incarnez 
pas encore une politique de la culture. Etes-vous trop discrète ?

On ne vend pas un livre qui n’est pas écrit. Avant d’incarner la 
politique culturelle de la France, j’avais à l’imaginer, à l’élaborer. 
2018 sera l’année de sa concrétisation. Je rappelle que je suis arrivée 
à un moment stupéfiant : le FN au second tour, et une vraie difficulté 
des Français à se mobiliser. C’est dans ce contexte que j’ai ­accepté de 
m’engager auprès d’Emmanuel Macron, convaincue que la question 
culturelle était la clé de ce moment politique.

Vous vous sentez en mission ?

La culture n’est pas un supplément d’âme, elle est constitutive de 
l’âme. Je suis entrée au gouvernement avec mes convictions, quarante ans 
d’engagement et l’envie d’agir. Pour autant, je voulais voir et 
rencontrer avant d’agir. J’ai mis une énergie totale, durant les sept 
premiers mois, à parcourir la France, à ne pas rester derrière mon 
bureau à lire des ­notes parfois un peu éloignées des réalités du 
terrain. Cela a pris du temps, mais c’était nécessaire.

Qu’avez-vous vu lors de ce tour de France ?

Il y a une France qui ne va pas bien. Je veux que le ministère de la 
culture soit d’abord au service de ceux qui sont exclus. Une grande 
majorité de nos concitoyens ne bénéficient pas des ­politiques 
culturelles qu’ils ­financent pourtant avec leurs impôts. Il faut 
combattre ce qui est perçu comme une « ségrégation culturelle ».

Tous vos prédécesseurs ont plaidé en faveur de la culture pour tous. 
Mais cela reste un vœu pieux…

Bien sûr, il n’est pas écrit que tel spectacle ou tel livre n’est pas 
fait pour vous, mais rien n’est fait pour dire que c’est pour vous. Il 
faut briser les déterminismes ­socio-économiques et géographiques en 
misant sur une offre ­culturelle de proximité.

Comment cela se ­concrétisera-t-il ?

Mon action s’organise autour de quatre priorités. La première, c’est la 
revitalisation des villes par le patrimoine. En 2018, 326 millions 
d’euros seront consacrés à sa ­restauration, dont 15 millions ­réservés 
aux petites communes, et 9 millions d’euros supplémentaires soutiendront 
la revitalisation de centres-villes anciens. La deuxième priorité de ma 
politique est le développement de la pratique artistique à l’école, dès 
le plus jeune âge et pour tous. On parle encore aujourd’hui d’éducation 
artistique et culturelle, mais le virage c’est la pratique. Doit-on 
apprendre Britten ou chanter ­Britten ? L’enfant qui chante a la 
curiosité de savoir qui est l’artiste. A la fin de ce quinquennat, je 
­souhaite qu’aucun enfant ne se sente illégitime face à une œuvre ou un 
lieu de culture. Les artistes seront au centre de cette transmission. 
Bonne nouvelle : ils le demandent. La culture n’est plus invitée à 
l’école : elle s’y installe, et durablement.

Vous voulez aussi ouvrir ­davantage les bibliothèques ?

C’est la troisième priorité de mon action. Erik Orsenna remettra très 
prochainement son rapport sur le sujet. Puis je présenterai mon plan 
d’action pour que nos 16 000 bibliothèques deviennent le premier réseau 
de culture de proximité. Pour la majorité de la population, la 
bibliothèque est la première porte culturelle. Ce sont des lieux de 
grande humanité, sans clivage : on ne doit justifier de rien pour y 
entrer. Le premier ministre vient de l’annoncer aux collectivités 
territoriales : 8 millions d’euros seront mobilisés pour financer 
l’extension des horaires des bibliothèques. Enfin, la quatrième priorité 
sera le passe culture, que nous déploierons en septembre 2018.

La notion de service public de la culture, c’est votre ­leitmotiv ?

Il ne faut surtout pas uniformiser la culture, ou l’enfermer dans une 
trame consensuelle. Pour cela, le ministère de la culture soutient la 
création et les artistes. Mais sa mission première aujourd’hui est 
d’ouvrir l’accès à cette vie culturelle à ceux qui en sont exclus. Alors 
oui, « service public de la culture » me semble être la juste approche. 
La pratique artistique, les bibliothèques et le passe culture seront les 
outils de cette politique.

Vous avez annoncé vouloir porter plainte après la ­publication par « Le 
Monde » de documents exposant vos pistes de travail, sur la réforme de 
l’audiovisuel notamment. Pourquoi ?

En aucune manière il n’était ­envisagé de déposer plainte contre les 
journalistes ou un organe de presse. C’est lorsqu’un mail a circulé avec 
ce document de travail confidentiel qu’on a envisagé de déposer plainte 
pour que cela ne se reproduise plus, indépendamment de l’article du 
Monde. Nous avons finalement décidé de nous en tenir à l’enquête interne.

Devant des députés, ­Emmanuel Macron a qualifié de « honte » 
l’audiovisuel ­public. Reprenez-vous ce terme ?

L’audiovisuel public, ce sont 3,9 milliards d’euros financés par la 
redevance, donc par les Français eux-mêmes. L’effort d’économies demandé 
à France Télévisions, c’est 50 millions d’euros, soit moins de 1 % de 
son budget. Mais il faudrait cesser de ne parler que de budget. Quels 
sont les défis aujourd’hui posés ? La reconquête du jeune public, qui se 
détourne massivement de nos antennes, la production d’une information 
indépendante et de référence qui fait rempart contre les « fake news 
»,un effort d’investissement dans la création, les contenus et l’offre 
­numérique. Pour réaliser tout cela, il faudra, oui, certainement, une 
transformation importante.

Mais il y a une différence entre inciter les acteurs à bouger et 
qualifier leur travail de « honte ». Ne craignez-vous pas de 
déstabiliser la présidente de France Télévisions ?

Delphine Ernotte a, dans un premier temps, adopté une posture défensive 
alors qu’on demande à tous les Français de faire des ­efforts. Mais je 
l’ai vue depuis et les réflexions au sein de France Télévisions sont 
aujourd’hui ­résolument tournées vers la transformation.

Vous connaissez bien Nicolas Hulot. Il a dit qu’il se donnait un an pour 
voir s’il pouvait « être utile ». Vous, combien de temps vous donnez-vous ?

Je ne suis pas assez politique et trop entrepreneuse pour me poser cette 
question. Tant qu’on peut faire sa part, on la fait. Le pessimisme de la 
raison nous oblige à l’optimisme de la détermination.

Vous êtes une femme de ­gauche, mais beaucoup disent que le pouvoir 
penche à droite, concernant la politique ­migratoire, par exemple. Vous 
sentez-vous à l’aise dans ce gouvernement ?

Permettez que je réponde avec J. M. G. Le Clezio : « La migration n’est 
pas, pour ceux qui l’entreprennent, une croisière en quête d’exotisme, 
ni même le leurre d’une vie de luxe, dans nos banlieues de Paris. C’est 
une fuite de gens apeurés, harassés, en danger de mort dans leur propre 
pays. » Ce point de vue, je le fais valoir sans qu’il m’en soit fait le 
reproche. Et je souhaite défendre l’accès à la vie culturelle pour tous 
ceux qui sont sur le sol français.

Vous n’avez pas d’expérience politique mais avez été chef d’entreprise 
culturelle. Cela vous sert-il ?

J’ai toujours vécu ma vie comme un apprentissage, un ­enrichissement 
permanent. J’avance dans la curiosité et le questionnement, en dehors 
des certitudes. Je suis fondée par le principe d’indétermination 
d’Heisenberg : j’avance en fonction des problématiques, rien n’est 
jamais figé, mais toujours en mouvement.

Vous avez dit être « la ministre des travaux pratiques ». Vous le 
revendiquez toujours ?

C’est sans doute pour cela que je suis là. Mais je ne pense plus en ces 
termes. Je suis Françoise ­Nyssen, ministre de la culture en France.

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Françoise Nyssen : « Le passe culture ne sera pas un “gadget” »

La ministre de la culture revient sur la promesse de campagne d’Emmanuel 
Macron et sur sa mise en œuvre.

Publié par : LE MONDE
Le : 18.12.2017
Propos recueillis par Cédric Pietralunga et Sandrine Blanchard

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La promesse de campagne d’Emmanuel Macron de créer un « passe culture » 
d’une valeur de 500 euros pour tous les jeunes de 18 ans va-t-elle être 
tenue ?

Le passe culture verra le jour dès 2018. Ce qui importe, c’est la façon 
dont cette ­promesse va se concrétiser. J’ai décidé de la forme qu’il 
prendrait avec une double exigence : qu’il ne soit pas un simple 
­chèque, et qu’il ne profite pas uniquement à ceux qui ont déjà des 
activités ­culturelles. En somme, que le passe ne soit pas un « gadget 
». Mais tel que nous ­sommes en train de le dessiner, le passe culture 
est une révolution. Une voie d’accès inédite vers la culture.

C’est-à-dire ?

Nous allons créer un nouveau service public universel de la culture. Le 
passe ­culture sera une application géolocalisée pour mobile, créditée 
de 500 € par l’Etat pour les jeunes de 18 ans, mais téléchargeable par 
tous. Nous voulons qu’il soit le « geste réflexe », la porte d’entrée 
vers l’ensemble de l’offre culturelle, comme les ­applications qui 
peuvent exister pour les voyages ou la restauration. Il n’y a pas 
d’équivalent pour la culture aujourd’hui. Le passe permettrait d’accéder 
à de l’offre en ligne, mais aussi de connaître toute l’offre culturelle 
à proximité : où acheter un ­livre, où trouver un stage de hip-hop ou de 
théâtre, etc. Ce sera comme un GPS de la culture. L’outil pourrait aussi 
offrir des ­solutions de mobilité. Car il existe des ­endroits en France 
où les jeunes sont victimes d’une forme d’assignation à résidence 
culturelle. Nous allons développer l’application avec l’aide d’une 
start-up d’Etat, pilotée par un chef de projet, qui ­coconstruira 
l’outil avec des usagers et des acteurs du secteur culturel. Je souhaite 
que la proposition soit éditorialisée, pour que le passe aide chacun à 
aller vers l’offre culturelle qu’il ne connaît pas. De premiers tests 
auront lieu au premier semestre 2018 sur trois territoires, pour un 
lancement en septembre.

Qui seront les premiers opérateurs à se lancer sur cette nouvelle 
application ?

L’objectif est de pouvoir embarquer le plus grand nombre d’opérateurs – 
petits et grands, publics et privés –, pour que le passe donne une 
autonomie totale aux jeunes. Je vais lancer un appel à contribution ce 
lundi, à l’occasion d’une première séance de travail qui réunira des 
acteurs culturels ayant déjà manifesté leur intérêt pour le projet et 
des jeunes qui nous parleront de leurs usages. Cette réunion a lieu à la 
maison de la culture de Seine-Saint-Denis, ce qui n’est pas anodin. 
C’est une manière de se positionner avec le public de ces territoires. 
L’important pour l’heure, c’est la méthode, qui sera coconstructive et 
évolutive.

Un budget de 430 millions d’euros a été évoqué, comment sera-t-il financé ?

Il faut réfléchir à la diversité du financement. Je souhaite que les 
acteurs qui ­seront partenaires du passe et en bénéficieront, puissent 
contribuer d’une façon ou d’une autre à son financement. Nous avons 
engagé les discussions.


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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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